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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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quotidiennes séances, mais je noulus, craignant que la plupart
des graves membres du Conseil, tellement plus vieils que moi ou davantage
élevés dans l’ordre de la noblesse, ne tinssent pour disconvenable qu’un béjaune
osât, à peine introduit dans leur cénacle, déterrer une affaire qu’il était
tellement plus reposant de croire résolue.
    Cependant, parler au bec à bec au roi d’une question qui
relevait du Conseil me mettait en grand danger de lui déplaire, tant il séparait
roidement les affaires publiques des autres compartiments de sa vie. Au
surplus, il paraissait s’ennuyer immensément au Conseil, tant les ministres
barbons étaient verbeux et confus en leurs harangues. Tant est que parfois il
me semblait qu’il disait oui à ce qui était proposé, simplement parce qu’on lui
avait fourré tant de mots dans l’oreille qu’elle en était lasse et ne voulait
plus rien ouïr. Cependant, après de longues et angoisseuses réflexions, je
décidai de prendre le risque de tomber en la défaveur du roi pour l’amour que
je lui portais. Et choisissant un jour où il pleuvait si dru qu’il ne pouvait
songer à la chasse, et s’amusait comme il pouvait à relier en un livre des
feuillets manuscrits, je lui demandai si je pouvais m’instruire en lui posant
une ou deux questions. Il acquiesça et je lui dis :
    — Sire, je suis si neuf au Conseil que je me fais
parfois l’effet d’être un faucon niais [51] , voletant de droite
et de gauche, sans bien entendre où je suis.
    À quoi Louis voulut bien sourire et, sans lever l’œil de sa
tâche, dit brièvement :
    — Par exemple ?
    — Par exemple, Sire, la Valteline. À Avignon puis à
Lyon on avait formé le projet d’une ligue entre Venise, la Savoie et la France,
pour presser les Espagnols de libérer la Valteline. Puis ce projet a été
retardé à plusieurs reprises. Tant est que maintenant, acceptant la suggestion
intéressée du comte-duc Olivarès, on a remis l’affaire à l’arbitrage du
Saint-Père. Mais c’est là, Sire, tout justement, un emplâtre sur une jambe de
bois, car Sa Sainteté ne prendra jamais parti contre les Espagnols. Et pour la
Valteline, nous serons gros-jean comme devant.
    — Pour un faucon niais, Siorac, dit Louis sans lever la
tête de sa reliure, vous volez droit au but. Et vous n’avez pas tort de me
remettre cette ligue en ma remembrance.
    — J’espère, Sire, que vous n’avez pas trouvé ma
question impertinente.
    — Elle l’était, posée hors Conseil, dit Louis. Mais
pour cette fois, je te pardonne.
    Ceci fut dit sur un ton mi-figue, mi-raisin qui me laissa
songeur. En fait, je ne fus rassuré que lorsque la ligue, projetée en octobre
1622 en Avignon, fut bel et bien signée dans le cabinet aux livres (là-même où,
du temps de Concini, j’avais laissé tant de messages secrets dans les Essais de Montaigne à l’adresse de Louis), en présence des ambassadeurs de Savoie, de
Venise, du connétable de Lesguidières, du chancelier Brûlart de Sillery, et de
Monsieur de Puisieux, lequel ne faisait pas bonne figure. Mais bonne, elle ne
l’était jamais, car sa lèvre inférieure était fort tombante, et il avait une
coquetterie dans l’œil qui faisait qu’on se demandait toujours où était son
regard.
    Quand je sortis du cabinet aux livres, je tombai – mais
fut-ce bien un hasard – sur Fogacer, lequel se penchant me dit en mon
oreille :
    — Eh bien, vous voilà content. La fameuse ligue est
conclue et l’accord est signé.
    — Oui, dis-je, mais ce n’est encore que du papier. Et
il faudra un magicien pour que des épées jaillissent de ce papier-là.
    — Et d’autant que nos caisses sont vides, dit
froidement Fogacer. Beaumarchais l’a dit ce matin au roi.
    — Beaumarchais ? Le trésorier de l’Épargne ?
    — Celui-là même.
    — J’imagine l’ire de Sa Majesté.
    — Elle est pire que tout ce que vous pouvez imaginer.
La foudre va tomber.
    Il me quitta en coup de vent comme à son ordinaire et comme
je regagnais mon logis du Louvre, je tombai sur Tronçon qui, poussant devant
lui sa bedondaine, marchait à grands pas. Je l’arrêtai par le bras et lui dis
en riant :
    — Monsieur Tronçon, où courez-vous si vite ?
Allez-vous tronçonner quelqu’un de la part du roi ?
    — Oui-da, dit-il, mais je ne saurais vous dire qui.
Bien que, à la vérité, tout le monde le sache déjà.
    — Oh, que si, vous allez me dire qui. Monsieur Tronçon,
dis-je en

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