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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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riant. Vous allez me dire quel est l’objet de cette tronçonnade ou je
raconte, moi, urbi et orbi, l’origine de cette mystérieuse maladie dont
vous souffrîtes en l’auberge que vous savez.
    — Monsieur le Comte, vous me prenez à la gorge !
    — Mais je ne vous la coupe pas, mon cher Tronçon.
Allons, Monsieur Tronçon, un petit mot, un seul à mon oreille, et vous êtes
sauf.
    — D’ailleurs, dit Tronçon avec mauvaise humeur, tout le
monde le sait déjà. Je me demande bien à quoi je sers. Voici la chose. Il
s’agit de Monsieur de Schomberg. Je lui porte un billet du roi l’exilant en sa
terre de Nanteuil.
    — Ventre Saint-Antoine ! dis-je. Schomberg, le
surintendant des Finances, serait-ce Dieu possible ! Schomberg, l’honnête
et le fidèle !
    Je lâchai Tronçon, lui laissai prendre un peu d’avance et le
suivis jusqu’à la porte de Schomberg où les trompettes de la renommée, qui ne
sont jamais si sonores que lorsqu’elles annoncent le pire, avaient dû devancer
Tronçon, car au lieu de la foule de solliciteurs qui se pressaient là à l’accoutumée
à la pique du jour, je ne trouvai personne. J’attendis avec patience que
Tronçon fût sorti et, dès qu’il fut hors, je toquai moi-même à la porte et,
comme personne ne me répondit, j’entrai et me trouvai nez à nez avec Monsieur
de Schomberg. Il était seul. Irrémédiablement seul. Et quand il me vit, il
écarquilla son œil bleu et se figea béant. Henri de Schomberg, comte de
Nanteuil, avait alors cinquante-huit ans. Il était issu d’une famille noble de
Saxe et son père et son grand-père avant lui avaient servi fidèlement non
seulement Charles IX, mais Henri III, Henri IV, et
Louis XIII. Schomberg était grand, l’épaule large, les jambes un peu
arquées, le visage mâle, l’œil bleu. Son fils Charles, né la même année que
Louis, avait été un de ses enfants d’honneur, avant de servir à son tour comme
capitaine-lieutenant des chevau-légers.
    — D’Orbieu, dit enfin Schomberg d’une voix enrouée, en
m’envisageant avec stupéfaction. Est-ce l’ignorance qui vous fait me visiter.
Ne savez-vous pas que le monde entier me fuit ? Que je suis d’ores en
avant la brebis galeuse de la Cour ?
    — Monsieur le Comte, dis-je, à mon sentiment vous en
seriez plutôt le bouc émissaire. La foudre est tombée, mais point sur la bonne
tête.
    — Ah ! D’Orbieu ! s’écria Schomberg en me
donnant une forte brassée, je n’oublierai jamais ni votre visite ni ce que vous
venez de dire. Voyez-vous, poursuivit-il, ses yeux brillants encore de
l’émeuvement que mes paroles venaient de lui donner, je savais bien, pardieu,
que les caisses étaient vides. Et mon seul tort est de l’avoir dit aux Brûlart
au lieu de l’avoir dit au roi.
    — Le roi, dis-je, l’a su par Beaumarchais, et il est
probable qu’ayant demandé des explications aux Brûlart, ceux-ci, se sentant
suspects, ont détourné sa colère sur vous. La calomnie coûte peu à ces gens-là.
    — Mais que faire meshui ? s’écria Schomberg. Vous
savez bien avec quelle rigidité le roi se tient à ses décisions une fois qu’il
les a prises.
    — Comte, si vous acceptez mes conseils, voici celui que
je vous donnerai. Partez tout bonnement dans votre terre de Nanteuil. Et à
votre partement, faites remettre en mains propres au roi par un ami une lettre
où vous le priez de demander au Parlement d’enquêter sur la façon dont vous
avez ménagé votre charge de surintendant des Finances depuis 1619.
    — Par un ami et pourquoi pas par la poste ?
    — Parce que les lettres adressées par la poste au roi
passent par les mains des Brûlart et que ceux-ci supprimeraient la vôtre sans
vergogne aucune.
    — Mais, dit Schomberg quasiment au désespoir, à quel ami
demander un service qui lui pourrait valoir à son tour l’exil ?
    — Mais à moi, dis-je.
    — À vous, Comte ? dit Schomberg.
    Et il ajouta quasi naïvement :
    — Mais je vous connais fort peu.
    — Comte, dis-je avec un sourire, vous me connaîtrez
mieux, quand je vous aurai rendu ce service.
    — Assurément, dit-il, mais ce service ne va pas sans
péril. Vous risquez d’être entraîné dans ma défaveur.
    — C’est vrai.
    — Et d’être à votre tour tronçonné.
    — C’est vrai. Mais je vois un grand avantage dans cet
entretien. C’est que je servirai le roi en vous servant. Même s’il ne me croit
pas, je lui aurai mis puce à l’oreille sur la

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