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Les Seigneurs du Nord

Les Seigneurs du Nord

Titel: Les Seigneurs du Nord Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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s’appeler Osbert, seigneur.
    — Il te l’a dit ?
    — On me l’a livré ici, seigneur, et il m’a
dit s’appeler ainsi.
    Sven sourit. Il sauta de selle et marcha vers
moi, puis il me releva le menton et me dévisagea.
    — C’est ici que tu l’as eu ? demanda-t-il.
    — Le roi Guthred me l’a livré, seigneur.
    Sven comprit alors, et sur son visage borgne
se peignit un curieux mélange de haine et de triomphe. Il me donna un tel coup
sur la tête que je m’effondrai.
    — Uhtred ! clama-t-il. Tu es Uhtred !
    — Seigneur ! protesta Sverri en me
protégeant, non parce qu’il m’aimait bien mais parce que je représentais une
possibilité inattendue de profit.
    — Il est à moi ! dit Sven en tirant
lentement son épée de son fourreau.
    — Il est à moi. Il sera à vous si vous l’achetez,
répondit humblement mais fermement Sverri.
    — Si je le prends, corrigea Sven. Je te
tuerai, Sverri, toi et tous tes hommes. Ta vie : voilà le prix de cet
homme.
    Sverri comprit qu’il était sans défense. Il s’inclina,
lâcha ma chaîne et recula. J’en saisis l’extrémité et en cinglai Sven, qui
esquiva, puis je me mis à courir. Les entraves me ralentissaient, je n’eus d’autre
choix que de me jeter dans la rivière. Je pataugeai dans les vaguelettes et me
retournai, prêt à me servir de la chaîne. Je crus ma dernière heure venue en
voyant arriver les cavaliers de Sven et je reculai dans l’eau. Mieux valait me
noyer que de souffrir le supplice qu’il me réservait.
    Mais les cavaliers pilèrent net. Sven les
dépassa, puis il s’arrêta à son tour. J’avais de l’eau jusqu’à mi-corps et j’étais
prêt à me laisser tomber dans les flots noirs, quand je le vis reculer. Puis il
courut vers son cheval, l’air affolé. Je me retournai pour voir ce qui l’avait
effrayé ainsi.
    Et là, venant de la mer, poussé par ses deux
rangées de rames sur la marée montante, je vis le vaisseau rouge.

6
    Le vaisseau rouge était tout proche et
avançait vite. À la proue se dressait une tête de dragon aux dents noires, et
il était rempli d’hommes en cotte et en armes. Il arrivait dans un vacarme de
rames frappant l’eau et de clameurs guerrières, l’écume jaillissant sur sa
proue rouge. Je dus m’écarter pour l’éviter, car il ne ralentissait point. Dans
un dernier sursaut des rames, la quille racla le fond et la proue s’abattit sur
le rivage dans un fracas de roseaux brisés. Une rame me heurta, qui me fit
tomber à la renverse. Je parvins à me relever en titubant, et je vis en sauter
une douzaine d’hommes armés de lances, haches, épées et boucliers. Les autres
abandonnèrent leurs rames et les rejoignirent. Ce n’était pas un navire
marchand, mais un vaisseau viking assoiffé de sang.
    Sven prit ses jambes à son cou. Il enfourcha
son cheval et détala dans le marais tandis que ses six hommes, bien plus braves,
se précipitaient sur les Vikings ; mais leurs bêtes furent abattues à
coups de haches, et les cavaliers désarçonnés massacrés sur le sable. Je restai
bouche bée au milieu de la rivière, en croyant à peine mes yeux. Sverri était
tombé à genoux, les bras écartés pour montrer qu’il n’était pas armé.
    Le capitaine du vaisseau rouge, resplendissant
avec son casque couronné d’ailes d’aigle, entraîna ses hommes par le marais en
direction du monastère. Il laissa une demi-douzaine d’hommes sur la grève, dont
un gaillard immense armé d’une énorme hache ensanglantée. Celui-ci ôta son
casque et me sourit en disant quelque chose que je n’entendis pas. Je le
regardais, incrédule.
    C’était Steapa.
    Steapa Snotor. On le surnommait ainsi, Steapa
le Rusé, car il n’était pas des plus futés ; mais c’était un grand
guerrier qui, de mon ennemi juré, était devenu mon ami. Il continuait de me
sourire depuis la berge. Moi, je ne comprenais pas comment un Saxon pouvait se
trouver à bord d’un navire viking. Je me mis alors à pleurer, parce que j’étais
libre et que la face balafrée et menaçante de Steapa était la plus belle chose
que je voyais depuis ma capture.
    Je sortis de l’eau et l’étreignis.
    — Ils t’ont fait cela ? demanda-t-il
en désignant mes entraves.
    — Je les porte depuis plus de deux ans.
    — Écarte les jambes, seigneur.
    — Seigneur ? répéta Sverri, qui ne
comprenait que ce mot en saxon. (Il se leva et s’avança vers nous en hésitant.)
Est-ce ainsi qu’il t’a appelé ?

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