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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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exactement et non pas à dix-neuf, du pied du lit. Avec mille précautions on la déroulait ensuite le long de la paillasse, jusqu’à la base du polochon qu’elle recouvrait en formant une suite de gradins. Toute l’attention était requise ensuite pour bien tracer les angles, car il ne fallait pas perdre de vue l’alignement avec les lits voisins. Les deux planches achevaient de polir parfaitement les surfaces. Notons aussi que le drap devait encore, à un endroit précis, passer élégamment sous la couverture, mais j’ai oublié ce détail stupide, vu que dès le début de 1943 les draps avaient disparu. Aussi le montage des lits était-il moins sévèrement surveillé. Mais avant cette date, cette partie du règlement causait aux novices les tracasseries les plus odieuses. Pendant quatre semaines, je me suis fait prodiguer à ce sujet cours théoriques et démonstrations pratiques et pourtant je n’ai jamais réussi à obtenir une autre note que « passable ». Les cigarettes tâchaient de compenser mon défaut de dextérité et comblaient si bien cette lacune que, finalement, je suis arrivé à passer cet examen, le plus sot de mon existence, avec la mention « prima » (très bien).
    — Quatre fois par jour, nous avions à subir l’inspection tracassière de notre montage. Chaque fois la même angoisse, les mêmes tremblements. Notre Kapo passait la première inspection, ensuite l’ancien de chambrée, très souvent également l’ancien du block   ; mais le S.S. chef du block, infailliblement, examinait minutieusement tous les détails. Aussi nous le craignions comme la peste. À chaque fois que ce cerbère découvrait quelque part la moindre imperfection, aussitôt polochon, drap et couverture valsaient en l’air   ; puis les soufflets, les horions, les coups de pied, accompagnés d’injures de la dernière grossièreté et défiant toute traduction, pleuvaient sur le malheureux « délinquant ». Il fallait recommencer à deux, à trois et même à quatre reprises. Les délinquants encouraient des sanctions, telles que vingt-quatre heures de jeun, vingt-cinq coups de schlague, ou d’autres bagatelles de ce genre. Je me souviens d’un camarade, tellement poussé aux abois par le montage du lit, qu’il alla se jeter contre l’enceinte électrique pour se tuer. Son cadavre resta toute une journée pendu aux barbelés.
    *
    Nicolas Muth n’aimait pas les curés en général, et l’abbé Cordonnier en particulier.
    Un matin, à l’appel des « bleus » devant le block 15, le chef de block au garde-à-vous annonce   :
    — Tout le monde présent à l’exception de Nicolas Cordonnier. Cet homme a les pieds tellement enflés qu’il a de la peine à se tenir debout. Qu’on veuille bien le compter comme présent.
    Muth se précipite dans le block.
    — Cochon de curé   ! À l’appel   ! Sors vieux coureur de putains… et crève donc.
    Pendant plus d’une heure, les quatre cents « bizuts » attendent que « Monsieur » daigne venir vérifier que personne ne manque. Il arrive   :
    — Ça colle   !
    Muth soulagé sourit. Un vieillard en profite   :
    — Je demande très humblement à l’ancien du block de bien vouloir m’autoriser à regagner la chambre. J’ai trop froid.
    — D’accord   !
    L’abbé Cordonnier s’avance à son tour   :
    — J’ai mal aux jambes…
    — Non   ! Cochon de curé. Tu resteras debout et crèves-en   !
    Muth frappe le prêtre. Un coup de poing en plein visage le fait chanceler. Un « ancien » intervient   :
    — Fais un geste   ?
    Alors Muth bombant le torse   :
    — Soit, traînez le vieux cochon derrière le poêle. Je veux user d’indulgence pour cette fois. Mais le vieux frocard mériterait bien une nouvelle correction. Cette vilaine tête ne m’a-t-elle pas reproché hier, de traiter les gens comme des bêtes. Cette stupide brute encornée pense que je devrais employer des expressions plus polies. Il me fait chier avec ses sermons. Tiens, lèche-moi le cul et maintenant fous-moi le camp, sinon…
    Le lendemain   :
    — Dans une demi-heure, rassemblement général. Nous allons aux douches. On se présentera complètement nus   ! Laissez tous vos effets sur vos lits   !
    — Mais il fait au moins vingt au-dessous de zéro   !
    — Nus   ?
    — Mais les douches sont à plus de trois cents mètres   ! Aller-retour ça…
    — Nus et silence   !
    Muth regarde sa montre.
    — Tout le monde est prêt   ?

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