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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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confitures avaient été hermétiquement fermés aux dépens de documents historiques écrits sur de vieux parchemins. Y figurait mon portrait en frontispice. Elle m’a reconnu. Ajouté à ce qu’elle avait lu, il ne faisait aucun doute que j’étais sur la trace d’un manuscrit qui menait à l’élixir de Jouvence. Dans le but de s’en emparer, elle n’hésita pas à commettre cinq homicides, persuadée que les vélins de Margot Fichon avaient été découpés en rondelles pour sceller des pots de confitures.
    — Et ces meurtres que vous lui imputez ne vous ont pas mis la puce à l’oreille ?
    — Si. Quand elle a tenté de me poignarder.
    — Quelles sont vos intentions maintenant que vous vous êtes confessé ?
    — J’ai obstrué la fontaine. Nul n’y aura accès, à moins que vous ne conserviez ces écrits.
    — Vous m’en direz tant ! Ne l’écoutez pas, Victor, il est toqué, cet opuscule vaut son pesant d’or, il le sait.
    Amadeus, imperméable au cynisme de Joseph, répondit calmement :
    — Ce recueil doit devenir inaccessible au commun des mortels. Ne me contraignez pas à user d’un argument plus convaincant.
    Victor se raidit, prêt à agir, mais s’immobilisa face au pistolet pointé sur eux.
    — Je commence à douter de la culpabilité de Mlle Pitel. Vous avez été bien prompt à l’abattre, monsieur Amadeus.
    — Peu importe ce que vous supposez, je n’ai pas menti. Le recueil, vite !
    Victor respira à plusieurs reprises. Il entendait le souffle saccadé de Joseph.
    — D’accord, il est dans ma poche.
    — Parfait. Vous, le blondinet, prenez ma bouffarde et allez enflammer ce tas de brindilles dressé au pied des marches.
    — Pourquoi ?
    — Exécution. Monsieur Legris, je vous mets en garde, au moindre geste offensif je n’hésiterai pas à faire usage de mon arme sur votre associé. Donnez-moi le recueil.
    Victor souscrivit à la menace et le lui tendit.
    Tout en surveillant les deux compères du coin de l’œil, Amadeus examina rapidement les feuillets.
    — Monsieur Legris, jetez-le dans le feu.
    Victor le déposa au milieu des brandons. Les feuillets s’embrasèrent, noircirent, se racornirent.
    — C’est terminé, souffla Amadeus. Rassurez-vous, messieurs, je n’avais nulle intention de tirer sur vous, d’ailleurs ce pistolet n’est pas chargé, mais il fallait bien vous convaincre d’obéir.
    D’un coup de pied, il dispersa les cendres.
    — Désormais, je suis libéré. Je vais partir, ne cherchez pas à me retrouver. En abattant Adeline Pitel, je n’ai fait que rendre justice à ces malheureux auxquels elle a ôté la vie.
    Il souleva son tricorne.
    — Adieu. Je vous souhaite bien du plaisir. Je doute fort que la police résolve cet imbroglio, ajouta-t-il avant de se fondre dans la nuit.
     
    Victor et Joseph regagnèrent la rue des Archives et cheminèrent en silence vers le quai de l’Hôtel-de-ville.
    Sur le pont, Joseph se tourna vers Victor.
    — Pourquoi a-t-il agi de la sorte ? Ce recueil valait une petite fortune.
    — Je ne sais à quoi m’en tenir, Joseph, mais je peux vous affirmer une chose que vous et moi avons expérimentée bon nombre de fois : pour imposer un mensonge, il faut subtilement l’assaisonner de vérité.

Chapitre XX
    Mercredi 2 février
     
    Victor traversa l’énorme salle d’attente de l’Hôtel-Dieu où se pressaient les impotents, les souffreteux, les blessés qui venaient chercher la guérison de leurs maux et parmi lesquels se mêlaient les misérables pour lesquels l’admission dans l’hôpital au cœur de l’hiver était une bénédiction. Au bureau central une sœur augustine lui avait appris que Mme Angélique Frouin, à peu près remise de sa côte cassée, avait quitté le service. Un bienfaiteur bizarrement accoutré avait réglé ses frais de séjour pour qu’elle jouisse des meilleurs soins, et déposé une somme rondelette au bénéfice des œuvres de charité et de la dame en question. Il eut la vision fugitive d’Amadeus en train de détruire le recueil. Puis s’imposèrent à lui les corps de Philomène Lacarelle, Georges Moizan, Chantal Darson et celui de la femme blonde abattue au musée. Jamais il n’aurait dû laisser filer Amadeus. Quelle fable allait-il servir au commissaire Valmy ?
    Sur le parvis de Notre-Dame, il respira à pleins poumons et se dirigea sans enthousiasme vers la Préfecture de police en froissant dans sa poche la convocation reçue la

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