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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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veille.
     
    Le commissaire principal Augustin Valmy portait un gilet de flanelle, une écharpe enveloppait son cou jusqu’au menton. Il plaqua ses mains à son bureau et contempla le verre de thé fumant posé sur une triple épaisseur de buvards, puis il braqua son regard sur Victor.
    — Raoul Pérot m’a mis au courant, dit-il en retroussant les lèvres dans un sourire carnassier.
    Sa voix faisait penser à un tuyau bouché qui fuyait goutte à goutte.
    — Vous avez pris froid, monsieur le commissaire ? On parle d’une épidémie de grippe. Elle décime enfants et vieillards, il faut sortir peu pour éviter les foules.
    — Votre sollicitude me touche, monsieur Legris, mais ne détournez pas la conversation, ce n’est qu’une vilaine angine.
    Augustin Valmy examina le dossier ouvert devant lui.
    — Votre ami Pérot a beau avoir démissionné de la police, le fait de ne pas collaborer lui aurait coûté cher, il aurait pu, par exemple, se voir supprimer son renouvellement de nomination sur les quais de la Seine, c’eût été dommage car je sais qu’il apprécie son nouveau métier. Nous avons passé un accord, lui et moi. Il n’a jamais mentionné votre participation active dans cette triste affaire.
    — Il n’a formulé que la vérité.
    — En tout cas, je vous ai à l’œil, vous et vos associés. Je me suis fourvoyé sur l’attitude de M. Mori, j’imaginais qu’il se montrerait sensé. Quant à vous, monsieur Legris, inutile de vous faire un dessin, récidivez et vous en paierez les conséquences.
    — Qu’est-ce que vous racontez ? demanda Victor d’un ton faussement incrédule. Je ne suis qu’un témoin.
    — L’affaire est dans le sac, Legris. Auriez-vous des révélations de dernière minute ?
    Valmy fixait Victor d’un air menaçant, conscient de le tenir en son pouvoir.
    — Aucun mensonge ni faux-semblant, monsieur le commissaire. J’admire votre flair et votre esprit d’analyse, car moi-même je n’ai pu démêler la finalité de cette succession de meurtres. Comment avez-vous procédé ?
    — C’était tout ce qu’il y a de plus élémentaire. Après avoir instauré une corrélation entre les victimes…
    — Quelle corrélation ?
    — Une passion partagée : les confitures. M. Moizan, Mme Lacarelle, Mlles Darson, Chevance et Pitel ont été occis par le même assassin.
    — Pour quelle raison ?
    — Je n’en sais fichtrement rien, nous allons donc nous mettre d’accord et invoquer la thèse du scandale de mœurs qui tourne mal.
    Victor fronça les sourcils, ce qui fit apparaître les petites lignes autour de ses yeux. Valmy le menait-il en bateau ? Il arborait une mine réjouie, mauvais signe.
    — Je ne vous suis pas, monsieur le commissaire.
    — Voyons, Legris, ne jouez pas au plus fin avec moi. Je dois boucler mon rapport d’ici demain, il faut bien que je trouve des faits tangibles à mettre dedans ! Les Croque-Fruits , cela vous évoque quelque chose ?
    — Euh… non, qu’est-ce que c’est ?
    — Une sorte de club. Vous en tirez une tête, Legris, on jurerait que c’est vous qui êtes sur la sellette. Les Croque-Fruits… cette appellation est prometteuse, n’est-ce pas ? Legris, nom d’un chien, soyez attentif ! Vous n’ignorez rien des mille et une façons de racoler, il suffit de lire la quatrième page des journaux, de préférence les feuilles à tirage important. Ceux qui n’ont jamais consulté les annonces du style : Mme d’Alger, 4 à 6 h. Leçons de natation pour dames du monde, 12, rue Saint-Denis ou Mme Cora, manucure. Travail soigné de 2 h à 7 h. Chaussée d’Antin, n° 15 sont minoritaires. Vous commencez à y voir clair ?
    — De quoi parlez-vous ? Et le mobile ?
    — Supposons que ces dames aient exercé le plus vieux métier du monde afin d’arrondir leurs fins de mois. Elles s’allient et, pour gonfler leurs bénéfices, décident d’exercer un chantage à l’encontre de leurs clients. L’un d’entre eux se rebiffe et les supprime une à une. Ça se tient, non ?
    — Si on veut. Mais Moizan ?
    — Il faisait office de rabatteur. Ces dames des Croque-Fruits fréquentaient assidûment son étalage, leur assassin aussi. Nous ne l’avons pas encore appréhendé, cela ne saurait traîner. Nous avons établi son identité, il se nomme Aimé Thoars, dit Amadeus, un étranger arrivé en France en 1895. Il a tué sa maîtresse, Adeline Pitel, au musée des Arts et Métiers. Vous vous

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