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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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canif, poussa un cri de douleur et porta le doigt à ses lèvres.
    — Zut ! je me suis coupé, et quand je saigne, ça dure !
    Ferdinand Pitel blêmit.
    — Excusez-moi, je ne supporte pas la vue du sang, je… Ça pourrait me provoquer un malaise.
    Victor entortilla son doigt d’un mouchoir.
    — Rassurez-vous, c’est superficiel, quel idiot je suis de jouer avec des couteaux, à mon âge ! Il y a longtemps que vous souffrez de ce problème ?
    — Tout gosse, j’étais sujet à des troubles de ce genre à la moindre égratignure. Je dois prendre congé, un rendez-vous au marché aux Oiseaux.
    — Vous permettez que je vous accompagne ? Je vais moi aussi de ce côté, dit Victor.
    Sans attendre de réponse, il emboîta le pas au cordonnier fort marri d’être enchaîné à un tel boulet.
    Ils traversèrent la place du Parvis sans échanger une parole. Régulièrement Victor vérifiait l’état de son bandage de fortune, et son compagnon détournait le regard.
    Sitôt eurent-ils tourné l’angle de l’Hôtel-Dieu, rue de la Cité, qu’ils aperçurent les abords du marché en pleine effervescence, bouclés par un cordon de policiers. Ferdinand reconnut dans la foule des badauds massée derrière les sergents de ville une commère qui vendait elle-même des capucins à tête noire et des becs de corail près de Chantal Darson.
    — Qu’y a-t-il, mère Grondin ?
    — Une horreur, j’en cauchemarderai encore dans ma tombe. Ce matin, j’étais bien gentiment occupée à nourrir mes mignons quand j’entends un drôle de bruit. Je me précipite et qu’est-ce que j’entrevois, couchée sur le ventre, son manteau taché de sang ? La petite Chantal !
    — Non ! hurla Ferdinand que Victor soutint de justesse avant qu’il ne s’effondrât.
    — Est-elle morte ? marmonna-t-il pendant que la mère Grondin et Victor l’adossaient à un arbre.
    — Tout ce qu’il y a de refroidie. On ne sait comment c’est arrivé. Cinq minutes plus tôt elle s’installait – elle est toujours un peu en retard, elle folâtre, c’est de son âge – en gazouillant, et crac, en route vers le paradis ! On a alerté les cognes, total, la journée est fichue. Pourvu que je ne sois pas soupçonnée, ils m’ont dit de ne pas m’éloigner, mais qui va veiller sur mes zoziaux ?
    Ferdinand Pitel avait repris ses esprits mais demeurait immobile, l’œil fixe, incapable de proférer un son.
    — Venez, mon vieux, je vous invite à boire un cognac, ça nous remontera, suggéra Victor.
    Le cordonnier se laissa guider.
     
    La porte de Chantal Darson crochetée, une silhouette s’introduisit dans le coquet appartement qui fut dûment fouillé. Rapidement repérés, les pots de confitures s’entassèrent dans un panier. Décoller les ronds de papier dans le logis eût été trop risqué. Par bonheur, personne n’emprunta l’escalier. Le trajet en fiacre ne prit guère de temps.
    Vider le panier et déposer les pots sur une table nécessitèrent cinq minutes à peine. Alors seulement les morceaux de parchemin furent descellés des confitures et eurent droit à un examen détaillé, avant d’être rageusement rejetés l’un après l’autre.
    L’échec, une fois de plus ! La partie était-elle perdue ? Non ! Il fallait reconsidérer cette quête depuis le début et comprendre à quel moment une voie erronée avait été suivie.
     
    Mû par l’intention de discuter des informations récemment acquises, Victor avait incité Joseph à siroter un verre au Café Vachette . Ils étaient pressés de fuir l’air glacé du Boul’Mich’, mais durent d’abord se dépêtrer d’un ancien étudiant en pharmacie, le camelot Édouard, qui insistait pour leur vendre son torchon intitulé Je dis tout .
    — Vous dites tout ? répéta Joseph. Vous feriez mieux de vous taire.
    — Moi aussi, Joseph, je vais tout vous dire, décréta Victor lorsqu’ils furent assis face à un bouillon de bœuf et un cornet de frites. Chantal Darson a été tuée d’un coup de poignard entre les omoplates au marché aux Oiseaux.
    Joseph recracha son bouillon sur la nappe à carreaux. Un jeune homme à cheveux longs et veste boutonnée jusqu’au cou lui décocha un regard indigné et changea ostensiblement de place.
    — Qu’est-ce qui lui prend ? J’ai été surpris, voilà tout, grogna Joseph en épongeant les dégâts.
    — C’est Paul Fort, le fondateur du théâtre d’Art, vous l’avez choqué, monsieur. Vous n’auriez

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