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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’il n’y eut que des hommes attablés pour ces retrouvailles. Si le mot femmes n’avait pas été prononcé, moult d’entre elles occupaient l’esprit de ces guerriers qui mourraient peut-être dans quelques jours. Villaines, quant à lui, contait ses appertises 59  :
    – Si vous a… a… aviez vu, Ber… bertrand !… Les Tolé… dans ont fait une sortie de nuit pour a… a… aller sans doute au-de… de… vant de Pèdre. Je les ai laissés pas… passer. Quand ils sont revenus, j’a… j’avais mis mes gens en or… or ordonnance entre la cité et ceux qui y retournaient. Nous les avons assaillis… Après leur dé… dé… déconfiture, j’ai fait dresser devant les murailles un grand et 1… 1… long gibet et fait pendre tous ceux qui qui vivaient encore… Et nous avons recommencé nos assauts…
    – Et ils ont résisté plus âprement, dit Tristan.
    Le Bègue de Villaines se courrouça. Son visage déjà sanguin parut bleuir sous l’afflux du sang et d’un courroux ressuscité 60  :
    – Comment le sais-tu ? Si tu tu… tu… n’étais venu avec Gues… Gues… Guesclin, je croirais que tu es des leurs.
    « Qui sait ? » songea Tristan et, les yeux dans les yeux de cet homme que la colère avait en partie « débégayé » :
    – Les Tolédans ont vu leurs parents et leurs amis pendus. Cette vision a endurci leur cœur et déployé leur courage.
    –  Tout n’est qu’abus ! fit un voisin pour qui cette passe d’armes composait un entremets de choix.
    Olivier de Mauny prit le relais du Bègue :
    – Henri hurlait : «  Folle gent enragée, vous avez été autrefois à moi ; or, vous m’avez repoussé, folle gent reniée. Vous en serez détruits à deuil et à douleur. Jamais Pedro le Fou ne vous fera secours. Si je vous prends par force vous aurez vilenie. Je ferai brûler tous les Juifs et Sarrasins sur la place ! » On lui a jeté… des pierres… et il a… dit…
    Don Henri secourut le parent de Guesclin dont le courroux refluait, laissant dans son langage des épaves de mots :
    –  « Nous ne vous craignons pas  », m’a dit Garci de Villodre qui commande à Toledo. «  Quand il n’y aura plus bête céans qui ne soit toute mangée, nous nous mangerons l’un l’autre par droite ragerie, ou Pedro sera mort avant que vous ayez la cité en votre pouvoir. » Des secours leur vinrent par le Tage… Des mécréants Sarrasins et Portingalois 61 … Dieu m’aida !
    – Petitement, mon seigneur. Petitement, insista Guesclin en tendant son hanap à un échanson de passage. Si Dieu avait voulu vous aider comme il faut, vous régneriez sur la cité, et ce n’est pas dix ou vingt Juifs, dix ou vingt Mahoms qu’on verrait au bout des cordes, mais cent, deux cents, mille et davantage pour le plus grand bien de l’Espagne et du Très-Haut !
    Ayant vidé son hanap, le Breton reprit avec une assurance profonde, toute frémissante de cette férocité dont Tristan connaissait les effets :
    – Nous entrerons dans Toulette. Par saint Yves, oui, nous y entrerons !
    Le visage était compact, rugueux, aussi rouge qu’à la bataille. La bouche aussi grasse que les mains, dédaigneuse, tremblait un peu :
    – Nous entrerons !
    – Nous entrerons et ferons justice !
    Il fallait bien que le Trastamare en rajoutât. Tristan dévisagea brièvement cet intronisable auquel la barbe demi-longue ne conférait aucune majesté.
    « Ils se prennent, l’un pour Arthur de Bretagne et l’autre pour le Cid ! »
    Ils excitaient à la fois sa dérision et son admiration.
    – On va faire un grand treu 62 de ces Juifs et de ces Mahoms, dit Galiffer de Jumelle en touchant de son coude l’avant-bras de son voisin. Pas vrai, Castelreng ?
    – Cela ne sera pas si aisé que tu le crois, compère. Nous ne combattrons pas sous les murs de Toledo, ni sous ceux d’Orgaz. Mais loin, plus loin…
    Un rire encore. Guesclin :
    – Mais où est don Tello le magnifique ?
    La défection du frère de Don Henri, à Nâjera, sa fuite infâme et celle de ses trois mille almogavares formaient dans l’esprit du Breton un souvenir exécrable.
    – Il doit être dans les braies du roi de Navarre, supposa Henri sans rire. Toujours bassement envieux, comment pourrais-je croire en sa féauté ? On m’a dit que Logrono, Vitoria, Salvatierra, Santa-Cruz de Campezo arboraient des bannières navarraises. Je n’ose le croire et n’ai pas eu le temps d’aller vérifier.
    – Votre

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