Les templiers
inquisiteurs.
L’expérience de tous les procès menés par des théologiens prêcheurs, durant les décades précédentes, montre que de cette façon on faisait avouer aux gens tout ce que l’on voulait : les maléfices, les rapports avec Satan, les cavalcades à travers le ciel sur des manches à balai, et bien d’autres choses encore, impensables, inimaginables, que l’Inquisition gardait en réserve. Et cela, pas seulement sous Philippe le Bel, mais avant ou après les Templiers. Qu’on se rappelle les procès contre les Cathares, l’Inquisition de Pauvers et Jeanne d’Arc. Qu’on se rappelle aussi le mot de frère Aimery de Villiers-le-Duc : « J’avouerais que j’ai tué Dieu. »
Les dépositions des Templiers ne prouvent strictement rien lorsqu’ils avouèrent. Quant à ceux qui n’avouèrent pas, on se garda bien de les enregistrer. Les Dominicains, si cultivés en exégèse, auraient pu prendre le seul procédé légitime : examiner toutes les attestations à la lumière de la vraisemblance et du bon sens.
Que n’a-t-on pas raconté sur les Templiers ! Qu’ils avaient pratiqué les rites de la superstition, qu’ils étaient cathares ! En vérité, le procès du Temple ne fut pas un procès, car il n’y eut que des interrogatoires, et, de plus des interrogatoires de l’Inquisition. Il n’y eut pas de procès du Temple et encore moins des Templiers.
À la lecture de tous ces interrogatoires, on a souvent établi que les Templiers étaient coupables. Certains, aux idées quelque peu étranges, pensent que le Temple avait terminé sa mission et que Clément V lui eût permis de regagner l’ombre. Là encore, les imaginations sont trop fécondes. Si le Temple avait eu « une quelconque mission » il s’y serait pris autrement. En ce sens, il aurait été plus secret qu’il ne l’a été et n’aurait jamais fait et appliqué au grand jour, devant la face du monde, tout ce que nous savons. Le Temple est trop simple, c’est pour cela qu’on lui a inventé tout un réseau de secrets, de mystères.
La condamnation des Templiers n’est pas fondée sur le droit. La véritable cause, il faut la chercher ailleurs que dans les pratiques secrètes qui leur furent reprochées et qui ne furent que des prétextes. La seule raison fut la puissance, la richesse et l’influence de l’Ordre.
En lisant attentivement les documents, les dépositions de vingt-sept commissions à Paris, à Florence, entassant par la Péninsule ibérique, l’Angleterre et l’Allemagne, on met en évidence l’innocence des Templiers, et même les motifs de leur condamnation. Essayons de donner à l’affaire sa véritable physionomie.
En lisant avec attention les protocoles du procès, on est forcé de convenir que le Temple était aussi pur et innocent que le pape lui-même. Toute étude sur l’affaire des Templiers doit avoir comme base les notes et les documents des interrogatoires – non pas seulement l’étude de Michelet, mais tous les documents. La plupart de ces pièces ont été mises à jour, ou sont conservées dans les archives visibles. Les coffres du Vatican ne contiennent rien de secret. Les interrogatoires effectués dans certaines villes, et qui prouvent l’innocence, sont eux aussi, visibles.
Les auteurs qui soutiennent la thèse de la culpabilité du Temple se bornent à reprendre des études dénuées de toute critique. Le dernier document découvert aux Archives Vaticanes, le compte rendu de l’interrogatoire de Medina del Campo, en Espagne, nous révèlent que le Temple n’a subi qu’une condamnation de l’Inquisition, mais surtout, que ce ne sontque dans les audiences où furent présents les Dominicains qu’il y eût du sang. En Espagne, seuls les frères de la région, très localisée, de Badajoz, furent mis à mort dans leur propre forteresse de Jerez de los Caballeros.
Au cours de ses deux cents ans d’existence, le Temple fut un ordre de chevalerie religieuse. Cette base religieuse devait jouer un rôle que l’on ne connaît peut-être pas assez. L’esprit religieux et l’activité politique se partageaient le pouvoir. Dans le contexte de l’histoire du XIII e siècle, devant les campagnes menées par les Templiers, il est logique que l’Ordre, dans son ensemble, soit devenu davantage une société politique, avec sa propre politique interne. Tout en restant, d’une façon générale, le soutien le plus fidèle du Saint-Siège et de ses intérêts,
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