Les templiers
pouvoir, clérical, administratif, politique et même financier, affectant une indépendance totale, fondée sur les nombreux privilèges pontificaux.
La réputation des Templiers n’était pas si mauvaise que le disent les pièces des interrogatoires. Prenons le cas des mœurs. Il était impossible de porter une accusation grave, car les pratiques de sodomie ou d’homosexualité étaient au Moyen Age assez répandues, même dans le clergé. On ne peut croire que ces habitudes, parmi les membres de l’Ordre, fussent aussi générales qu’on l’a prétendu. Quant au Grand Maître, un témoin nous apprend la rigueur avec laquelle il sévissait. Bien sûr, deux témoins l’accusent. Néanmoins, une telle dissolution morale pouvait-elle s’allier avec la bravoure dont les frères témoignèrent pendant les croisades, devant leurs juges, ou encore devant la mort ?
On leur a reproché d’être hérétiques. Cela reste à jamais le sujet d’étonnement. Les Templiers ont conservé, jusqu’à la fin, suivant les préceptes de leur Règle, les marques d’un attachement spontané et indéfectible envers l’Église de Rome. Ils honoraient la Vierge et les Saints de l’Église. Le peu de manuscrits liturgiques qui restent encore, soulignent cette caractéristique de l’esprit templier. Aussi est-il impossible de nier l’orthodoxie des dogmes, sans laquelle l’Ordre n’aurait pas eu sa raison d’être. La confession de Jacques de Molay, le 28 novembre 1309, ne laisse aucun doute. L’orthodoxie du Temple était parfaite, et c’était pour les frères un point d’honneur.
L’abjuration du christianisme en faveur de l’islamisme était extrêmement rare chez les Templiers, contrairement aux autres croisés et même aux chevaliers de Saint-Jean. Faire de cas isolés une tendance générale est aussi absurde que d’attribuer à tous les Français des sympathies pour l’ennemi durant la dernière guerre. Les Grands Maîtres qui eurent, soi-disant, les contacts les plus directs avec les rites islamiques, furent ceux qui combattirent le plus les armées infidèles. Bien sûr, va-t-on dire, c’était pour avoir, eux seuls, la science ésotérique de ces pratiques ; ce à quoi nous répondons que tous les Maîtres qui périrent sous l’épée du Sultan, tous sans exception, préférèrent la mort plutôt que « lever le doigt et reconnaître Allah et Mahomet son prophète ».
Il en est de même pour les Cathares, les Albigeois et les sectes hétérodoxes chrétiennes. Le Templier avant d’être fils de l’Église était un chrétien et, d’après les statuts, il était interdit de guerroyer contre les chrétiens quels qu’ils soient. Les Templiers étaient-ils Cathares ? Encore une question qui fit couler beaucoup d’encre, sans apporter de réponse définitive. Mais les Cathares, tout comme les Montanistes de l’Asie, avaient la passion du supplice et leur seule force se retrouvait dans les répétitions de l’endoctriné. Chez les Templiers, rien de tout cela. La joie sacrée était inconnue et l’espérance en présence de la persécution n’était pas un de leurs buts. C’est pourquoi ils endurèrent leurs supplices avec cette obstination qui ne s’explique que par l’amour de la vérité.
Les Templiers avaient, alors, une secte à eux, et les chefs de l’Ordre, d’un pseudo-ordre secret, étaient les seuls à connaître les secrets de la secte, dira-t-on. Si les Templiers avaient réellement pratiqué les rites secrets qui leur sont attribués, ils auraient vécu une vie spirituelle intense et il se serait trouvé parmi eux des fanatiques ou des enthousiastes, comme on voudra, pour demander à participer aux joies mystiques du martyre. Or, pendant tout le procès, aucun Templier ne s’est obstiné dans les erreurs de sa prétendue secte. Tous ceux qui ont avoué le reniement du Christ et l’adoration de l’idole, les ont abjurés et ont demandé l’absolution. Pouvons-nous croire que la doctrine hérétique du Temple n’aurait pas eu de martyrs ? Des quantités de chevaliers, de sergents, d’écuyers sont morts dans les geôles, dans l’étau des mains des tortionnaires, sur le bûcher, sans jamais se sacrifier, pour des croyances. Ils ont préféré mourir qu’avouer ou persister dans leurs confessions.
Les chefs de l’Ordre ne pouvaient donc pas connaître les secrets de la secte. Parmi les milliers d’hommes qui passèrent dans le Temple, pendant près de deux
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