Les templiers
1307, la bulle « Pastoralis Praeminentiae » ordonnant aux rois de toute l’Europe de saisir les biens du Temple.
En 1308, nouveau revirement pontifical : Clément V condamna les inquisiteurs, les prélats, et les suspendit de leurs fonctions. L’Ordre aurait été peut-être sauvé si Clément avait persisté. Mais le perfide Nogaret et le cupide roi de France ne reculèrent devant rien et entamèrent une campagne contre le pape. Pierre Dubois, qui sous Boniface VIII avait fait sensation avec ses pamphlets, recommença à distiller son venin.
La campagne contre Clément fut une des plus furieuses qu’on n’ait jamais vues : « Que prenne garde le pape, il est simoniaque, il donne par affection de sang les bénéfices de la Sainte Église de Dieu à ses proches parents. Il est pire que Boniface qui n’a commis autant de passe-droits. Cela doit lui suffire. Qu’il ne vende pas la justice. On pourrait croire que c’est à prix d’or qu’il protège les Templiers, coupables et confessés, contre le zèle catholique du roi de France. Moïse, l’ami de Dieu, nous enseigne la conduite qu’il faut tenir vis-à-vis des Templiers quand il dit : Que chacun prenne son glaive et tue son plus proche voisin. » Nogaret, lui aussi, renoua avec sa verve pompeuse dans une lettre de convocation : le roi était l’ennemi des hérésies et le défenseur de la foi catholique ; les abominables erreurs du Temple avaient bouleversé même le ciel, dit-il, et que c’était au peuple de France d’en purger le monde.
Clément V prit peur et revint à Philippe. Une entrevue eut lieu à Poitiers, en mai 1308. Le pape accepta de prendre en main l’affaire des Templiers, qui serait aussitôt remise, au nom de la Sainte Église, aux officiers royaux. Les biens seraient administrés par des commissaires payés, à la fois par le roi, le pape et les évêques diocésains. Quant à l’hérésie, Clément la considérait comme un crime, mais il en distinguait deux sortes : crime de l’Ordre en tant qu’ordre et crime particulier à chacun des membres. La question de l’Ordre devait être réglée par un concile général qu’il convoquait à Vienne, pour octobre 1310, tandis que pour chaque membre le procès serait repris dans l’intervalle.
Le pacte était donc signé. Mais l’Inquisition ne pardonnait pas. On n’échappait jamais à ce tribunal, dit chrétien, présidé par de prétendus théologiens. Le sort du Temple était déjà jugé. Cependant, pour convaincre le pape, une comédie des plus odieuses fut montée par le Grand Inquisiteur et Nogaret. On amena devant le pape et le Sacré-Collège quelque soixante-dix Templiers, extraits des prisons de Paris, assouplis par la torture, et prêts à persister dans leurs aveux. Philippe le Bel se montra d’une fourberie sans nom. Après avoir fait de Clément V son complice, il eut la prétention insolente de le convaincre.
Les deux procès furent menés de front. Le 9 août 1309 la Commission Pontificale, réunie dans l’abbaye Sainte-Geneviève de Paris, annonça qu’elle était prête à entendre les dépositions. Nogaret et Philippe le Bel se méfiaient de ce tribunal, composé d’hommes modérés, indépendants, hostiles à la torture. Aussi, ne le laissèrent-ils agir que lorsqu’ils furent assurés de le contrôler. L’audience initiale ne commença que le 26 novembre.
Cette première séance nous révèle l’état pitoyable des frères du Temple, leur état d’âme surtout, car ils étaient à peu près libres de parler sans crainte du fouet, de la table, de l’entonnoir ou du réchaud. L’audience s’ouvrit par la déposition du Maître qui surprit les commissaires par sa franchise et sa modestie. Les dépositions enregistrées font défiler devant nos yeux des hommes de toutes sortes : simples, prudents, lâches, sincères, exaltés. Les malheureux prisonniers n’ont plus leur esprit à eux. La torture de l’Inquisition les a complètement transformés. On les voit trembler, mentir, combiner, s’indigner, fondre en larmes.
Beaucoup se plaignirent de la torture, tel le frère Ponsard de Gisi qui déclara que lui-même et les autres frères avaient fait des aveux devant l’Inquisition sous l’effet de la torture, mais que tout était faux.
— « Avez-vous été torturé ? » demanda le commissaire.
— « Oui, trois mois avant ma confession, on m’a lié les mains derrière le dos, si serré que le sang
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