Les templiers
le Temple n’en était pas moins une puissance indépendante, ce qui constituait un danger pour Philippe le Bel, imbu de pouvoir absolu.
Néanmoins, nous pouvons affirmer, sans crainte, que la condamnation du Temple repose sur une dépréciation excessive de la puissance royale en France et sur une appréciation exagérée de la puissance de l’Ordre. On ne pouvait reprocher aux Templiers une tentative de révolte contre le pouvoir royal. Les fonctionnaires royaux ont usé de procédés injustes envers leur gouvernement. Pour leur part, ils observèrent toujours une attitude de soumission et de respect à l’égard de la personne royale, représentant, elle aussi, un pouvoir. Et, à la lecture des dépositions, les façons de s’exprimer des frères montrent que l’Ordre n’était pas un adversaire dangereux. Mais la principale occupation de Philippe le Bel fut de faire plier, sous la puissance royale, toutes les forces de l’État. Il est certain que les Templiers, gardes du corps de la papauté, étaient trop liés au Saint-Siège, et les rapports de l’Ordre avec la noblesse française, l’un des plus importants partis contre Philippe le Bel, mettaient la monarchie dans la gêne et l’embarras. Ce que l’on reproche à Philippe le Bel, ce sont les méthodes qu’il employa : l’accusation d’hérésie, le recours à l’Inquisition.
Ces deux moyens perfides sont trop peu connus. Si l’on a accusé, avec juste raison, Philippe le Bel et Nogaret, on a négligé l’Inquisition. Elle ne doit pourtant pas être reléguée au second plan. Son rôle fut décisif, surtout en France. Nogaret, Philippe le Bel et l’Inquisition ne font qu’un dans la condamnation de l’Ordre. Ils étaient tous étroitement liés.
Les Templiers étaient riches. On leur reprochait leur cupidité et d’avoir usé de procédés peu délicats pour amasser leurs richesses. Mais la prospérité matérielle du Temple, comme de toute communauté sociale, est une chose aussi naturelle que d’avoir eu une politique personnelle. Comment les Templiers auraient-ils pu se soustraire à une quelconque ambition financière ? Le but même de l’Ordre demandait d’importants moyens. La protection, la défense, le recouvrement de la Terre Sainte exigeaient de l’argent. N’est-il pas le nerf de la guerre ?
Si les Templiers étaient orgueilleux, comme le dirent si lâchement Guillaume de Tyr et Frédéric II, il faut comprendre leur ambition. Ils étaient conscients des services rendus à l’Église, ils avaient la conviction d’être indispensables pour la croisade, et sa poursuite était le plus saint des devoirs. Aussi, avaient-ils la plus haute opinion d’eux-mêmes et de leur Ordre dont ils fermèrent les portes, au XIII e siècle, à tous ceux qui ne pouvaient prouver une naissance aristocratique.
Les soupçons furent entretenus par l’isolement volontaire et les pratiques secrètes des Chevaliers du Temple. Malheureusement, ces pratiques secrètes n’ont jamais existé en tant que telles. La seule explication valable, c’est que les Templiers étaient des guerriers, des spécialistes de la guerre. Or, dans les chapitres importants, surtout en Terre Sainte, on décidait des expéditions militaires et on dressait les plans d’attaque, les plans stratégiques qui, comme aujourd’hui encore, demandent le secret. Ensuite, il fallait éviter, comme le dit la Règle, que les rapports communiqués au Chapitre ne fussent à l’origine de disputes dans la communauté ou de jalousies entre les membres. Les pièces du « procès » montrent l’effet produit sur l’opinion publique par ce système plus ou moins clandestin. Mais tous les ordres religieux pratiquent encore ces réunions « secrètes » à toute personne étrangère à leur confrérie. Ces accusations de secret, d’occultisme ont été une preuve de l’antipathie que les Templiers suscitaient chez le peuple et du danger qui pouvait en résulter, même pour des membres de la bourgeoisie, au Moyen Age.
En ce qui concerne l’époque moderne, les choses sont différentes. Il s’agit davantage d’une psychose. Le Temple aurait eu, dit-on, une mission à remplir : encore faut-il que les hypothèses puissent trouver une origine et un fondement logique. Une accumulation de suppositions ne peut suffire.
Le Temple ne fut pas perdu uniquement à cause du manque de sympathie du peuple, mais aussi et surtout parce qu’il s’était aliéné tout
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