Les templiers
non-combattants. La Règle défendait de recevoir des sœurs, mais on se demande si cela fut vraiment observé. En effet, tout au long de sa brève existence, le Temple accepta des femmes. Cependant, peut-on affirmer qu’elles furent des religieuses à part entière ? Cela est en contradiction avec la vie du Temple dans son ensemble.
Nous connaissons, au moins, deux cas types de femmes qui prononcèrent des vœux. L’une en Angleterre, vers 1190, en la personne de Jeanne, épouse de Richard Chaldefelde. Elle promit, entre les mains d’Azo, archidiacre de Wiltshire, de vivre dans la chasteté, suivant la Règle du Temple, parce qu’elle avait passé l’époque des mauvais soupçons. Elle avait donc l’âge canonique. L’autre, Gilotte, femme de Robert d’Attichy, devint, en 1297, sœur du Temple – le mot est transcrit – dans la maison d’Arras. Il existe de nombreux autres cas, mais on peut se demander si ces femmes furent de véritables templières.
Sauf exception, ceux qui se donnaient ne prononçaient que très rarement des vœux. Ils se mettaient, avec leur famille et leurs biens, sous la protection de l’Ordre. On recherchait surtout à participer aux privilèges et aux bénéfices, temporels et spirituels, du Temple. Ces sortes de donations seront plus fréquentes lorsque le Temple aura obtenu l’exemption.
Les donations de corps, sans mention de profession religieuse, sont très reconnaissables dans les actes. Les signataires disent pratiquement la même formule : « Je me donne, ou je donne mon corps et mon âme à Dieu, Notre-Dame et aux frères de la milice du Temple, ainsi que mes biens, honneurs... » Tous ces « donats » ne devenaient pas des religieux. Nous sommes en présence d’une inféodation camouflée. En des temps si troublés, ils obtenaient des protections égales à celles des Templiers. Les bulles pontificales du XIII e siècle ne font pas défaut. Personne ne devait s’opposer à l’entrée d’un homme ou d’une femme en confraternité. C’est ce que dit une bulle d’Innocent IV datée du 17 août 1245. Le 1 er septembre de cette année, le pape notifie aux évêques et à tous les prélats que les frères de la milice du Temple, en vertu de leurs privilèges, pourront entrer une fois l’an dans les églises paroissiales pour leur confraternité et leur confrérie. Ceux qui refuseraient ce privilège devaient être excommuniés. Les évêques ne devaient également pas s’opposer à ce que les fidèles élisent leurs sépultures dans les cimetières templiers, sans s’acquitter du droit de paroisse réclamé par les curés. Ce souci d’être à l’abri de toutes les menaces fut à l’origine de la plupart des donations. Le 3 novembre 1249, Innocent IV, à la demande du Maître, prohiba à toutes personnes ecclésiastiques, légats ou laïcs, de nuire aux fiefs, possessions, maisons ou autres biens de la milice. Aucun prélat ne pouvait, sans permission expresse du pape, jeter l’interdit ou une peine d’excommunication à l’encontre des frères du Temple et de leurs hommes. Déjà, au XIIe siècle, Innocent II avait donné un texte semblable. Il fut renouvelé par Honorius III, Alexandre III et Alexandre IV. Les animaux eux-mêmes étaient protégés et devaient porter la croix du Temple cousue sur un morceau d’étoffe. Le pape Urbain IV évoqua cette croix dans une bulle adressée à l’Ordre de Calatrava. Il accorda les privilèges de protection aux animaux en ces termes : « Ils devront porter la croix de l’Ordre sur un tissu, comme ceux des frères de la Milice du Temple. »
La bulle la plus importante pour le Temple, et dont découleront toutes les autres, est celle accordée par Innocent II au Maître Robert de Craon, datée du Latran, le 29 mars 1139 : Omne datum optimum.
Par ce document, le Temple était officiellement reconnu. Le pape le prenait sous la protection du Saint-Siège et de sa personne. Dix ans après avoir reçu sa Règle, le Temple devenait directement soumis au Saint-Siège. L’étude critique des premières bulles pontificales n’est pas notre propos. Cependant, les détails qu’apportent celle-ci sont si importants qu’il est nécessaire de s’y attarder afin de mieux comprendre la suite des événements. On peut déjà se rendre compte de l’amertume de Guillaume de Tyr : il reproche aux Templiers d’avoir été fondés par le patriarche et de s’être enlevés de sa houlette.
Le pape
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