Les templiers
nouveau, entre les mains des Francs. Le duc de Bourgogne demanda une nouvelle attaque sur Jérusalem. Richard refusa et sa prudence fut sage. Le nombre des croisés était trop faible pour assiéger la ville. Il proposa de prendre l’avis de vingt conseillers : cinq Templiers, cinq Hospitaliers, cinq Français et cinq Poulains {5} après une nuit de délibération, ils déléguèrent le Maître de l’Hôpital pour donner leurs raisons au roi. Les Templiers firent savoir qu’aux alentours de Jérusalem tous les puits avaient été comblés par les musulmans et que la saison sèche était déjà avancée.
L’idée d’une croisade sur Babylone-Le Caire fut aussi repoussée. La III e Croisade s’acheva par une attaque de Saladin sur Jaffa, à laquelle riposta Richard. Mais cela ne changea rien à la situation, au contraire. Le Sultan demanda une trêve de trois ans qui lui fut accordée. Ascalon devait être démantelée par les ordres militaires, comme cela se passa à Darum ; les Francs garderaient Jaffa, et les pèlerins pourraient se rendre, en toute quiétude, à Jérusalem.
Des lettres urgentes et pressantes appelaient le roi dans son pays. Allant trouver le Maître du Temple, il lui fit savoir qu’étant mal aimé il craignait de ne pas rentrer vivant en Angleterre. Il demandait, en outre, à Robert de Sablé, une escorte de chevaliers et de sergents qui l’accompagneraient sur sa galère. Le Maître lui répondit positivement. « Il fit appareiller ses gens secrètement et les fit entrer dans une galère. Le roi prit congé du comte Henri, et des Templiers et entra dans une nef. A l’heure de Vêpres, il passa dans une galère des Templiers. » Ainsi, c’est déguisé en Templier, que Richard quitta l’Orient.
La III e Croisade, malgré son échec, laissa aux Francs, la bande côtière d’Antioche à Jaffa. L’ère des châteaux prenait naissance. Le traité conclu avec Saladin assurait aux Francs une période tranquille jusqu’à la fin de 1195.
CHAPITRE XII Politique et diplomatie
À la mort de Robert de Sablé, le 28 septembre 1193, le Chapitre élut Gilbert Erail Maître en Occident. Il avait été Maître en Espagne de 1184 à 1190.
Plusieurs Maîtres du Temple furent d’anciens Maîtres en Espagne. On comprend aisément les relations qui existèrent entre ces deux lieux de guerre, l’Espagne et l’Orient. Les Templiers combattaient sur les deux fronts et les divers Chapitres d’élection pratiquèrent l’usage, quasi-coutumier, de choisir comme Maître un frère ayant fait ses preuves en Occident : Evrad des Barres fut commandeur de France, Arnaud de Tour Rouge, Maître en Espagne et en Provence, Gilbert Erail, Pierre de Montaigu furent Maîtres en Espagne et en Provence, Guillaume de Sonnac Maître en Aquitaine, Renaud de Vichier Maître en France puis commandeur d’Acre, Guillaume de Beaujeu commandeur des Pouilles. Parmi les Maréchaux, certains furent nommés en Occident : Hugues de Montaigu, que la Règle appelle Hugues de Montlaur, nommé Maître en Occident, Hugues de Jouy Maître en Aragon et Catalogne.
Pendant la maîtrise de Gérard de Rideford, maîtrise déplorable s’il y en eût, les Templiers de la Péninsule Ibérique sauvèrent heureusement l’honneur, et Gilbert Erail y contribua énormément. Les chroniques, comme les textes, nous le présentent comme un homme de haute qualité morale, religieux, diplomate distingué et chef de guerre sans reproche. D’ailleurs, dans sa bulle d’approbation, datée du 14 mars 1194, Célestin III note que le roi d’Aragon, au début de la maîtrise de Gilbert, donna plusieurs biens aux frères du Temple, principalement sur les Marches sarrasines « car ni ce lieu, ni aucun autre château ne pouvait être défendu de l’incursion des Sarrasins, sinon par les Templiers. » Au Portugal, il semble que les Templiers n’aient pratiquement pas eu de relations avec les autres provinces. Mais, là encore, ils sauvèrent la face et, en 1194, don Sancho I er leur donna les vastes territoires d’Açafa qui bordaient les rives du Tage jusqu’au district d’Idanha.
Administrateur hors classe, Gilbert Erail, dès son élection, fit le bilan de l’Ordre en Palestine. Ce n’était pas brillant, malgré les apparences et la maîtrise de Robert de Sablé. Ces deux maîtres se partagèrent ainsi les deux grandes tâches de l’Ordre : l’un redressa la valeur morale, l’autre se chargea de la valeur
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