Les Thermopyles - La Plus Celebre Bataille De L'Antiquite
meurtri et le regard livide, ils savent tous qu’ils vont mourir. Devant eux, des montagnes de cadavres mais surtout une armée perse toujours aussi menaçante. Les vivants sont encore dix fois plus nombreux que les morts. Les Grecs sont à présent littéralement encerclés par leurs ennemis. Estimant qu’une nouvelle mêlée est inutile, Xerxès commande à ses archers d’en finir. Pendant une dizaine de minutes, des nuées de flèches s’abattent sur les ultimes défenseurs des Thermopyles. Elles sont si denses qu’elles en éclipsent le soleil. Devant une telle avalanche de traits, il n’y a pas de possibilité de parade. Beaucoup de défenseurs combattent tête nue et ont même perdu leur bouclier. La démonstration perse tourne à la boucherie. Le cri d’agonie des derniers Spartiates se perd dans le bruit infernal du sifflement des flèches. On ne dénombre pas le moindre survivant…
En trois jours, le nombre des pertes humaines s’avère astronomique. Si on déplore mille cinq cents morts du côté des Grecs, on peut parler de véritable hécatombe chez les Perses. L’armée achéménide a en effet payé un lourd tribut : près de vingt mille tués dont deux fils de Darius et deux frères de Xerxès.
L’après-midi même de cette victoire à la Pyrrhus, le Grand Roi se rend sur le lieu de la bataille. Pour la première fois, se promenant au milieu des cadavres, il peut voir de près ces Spartiates qui lui ont causé tant de pertes. Plus ulcéré que dépité, il en veut particulièrement à Léonidas. En vainqueur peu digne, le Grand Roi fait décapiter la dépouille de son ennemi et met sa tête au sommet d’un pieu. Pour soigner sa propagande, nullement impressionné par leur bravoure, il exhibe les corps des intrépides hoplites tout en maquillant ses propres pertes. Xerxès fait ainsi enterrer les trois quarts de ses morts dans des fosses communes pour mieux exposer ceux de l’adversaire aux yeux du reste de son armée. « Alliés du roi, proclame son envoyé devant les troupes campant à Histiée, Xerxès permet à qui le voudra parmi vous de quitter son poste et d’aller voir comment il combat les êtres insensés qui ont cru pouvoir triompher de sa puissance… » (Hérodote, L’Enquête, livre viii). À défaut d’être un grand soldat, Xerxès apparaît ici comme un as de la manipulation…
Gloria Victis (Gloire aux vaincus)
Sitôt connu le massacre de l’armée de Léonidas, la panique s’empare des paysans grecs. D’aucuns craignent pour leurs récoltes, pour leur bétail et surtout pour leur propre vie. Preuve en sont les seuls Arcadiens. Interrogés par les Perses sur les activités de leurs compatriotes, les « déserteurs » en question répondent que les Grecs sont surtout obsédés par les Jeux. Des fêtes Olympiques aux courses de chars en passant par les concours gymniques, les Grecs ont à cœur de se mesurer entre eux pour le seul esprit de la compétition, pour le seul enjeu de l’honneur. Quand Xerxès leur demande si les victoires de ces jeux se soldent par de solides récompenses, les Arcadiens précisent que les meilleurs athlètes héritent d’une simple couronne de laurier. Des propos on ne peut plus surprenants pour Xerxès. « En entendant dire qu’on se disputait une couronne au lieu d’argent, le Roi ne put se contenir et devant tous il s’exclama : “ Ah Mardonios, contre quels gens nous as-tu fait marcher, si l’enjeu de leur lutte n’est point la richesse, mais la valeur !” » (Hérodote, livre viii). Ce sens de la valeur, le Grand Roi a pu le mesurer dans le défilé des Thermopyles. Au lendemain même de l’anéantissement du corps expéditionnaire de Léonidas, la défaite grecque apparaît comme l’expression de la résistance héroïque de tout un peuple. Psychologiquement et moralement, la défaite des Thermopyles fait office de victoire. Aux yeux de la postérité, les seuls Immortels dignes de ce nom sont les Spartiates et les Thespiens. En sacrifiant leur vie pour la liberté de la Grèce, les compagnons d’armes de Léonidas sont entrés dans la légende, comme en témoigne l’éloge funèbre prononcé par le poète lyrique Simonide : « De ceux qui sont morts aux Thermopyles, glorieux est le destin, noble la fin. Leur tombeau est un autel ; au lieu du deuil, ils connaissent immortelle mémoire, leur sort est louange […] Témoin Léonidas, le roi de Sparte, qui laisse après lui une grande
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