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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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monde.
    — C’est Mathieu qui le trouva, reprit maître Dumas. Alors que je n’en finissais pas de m’extasier à chaque découverte, lui restait là, fasciné par cette étrange chose, comme sans doute Anne de Pisseleu l’avait été. Lorsque, réalisant enfin la richesse miraculeuse qui nous tombait entre les mains, je lui offris de la partager, il la refusa en souriant, puis me montra le crâne et demanda seulement s’il pouvait le garder.
    — Vous le lui avez donné, conclut Emma, déçue de ne pas le voir et le toucher dès à présent.
    — Bien sûr. Lorsque mon épouse, revenue de ses courses et inquiète de notre silence, nous rejoignit dans cette cave après en avoir découvert l’accès, nous le suppliâmes de prendre tout ce qu’il souhaiterait. Nous en avions bien plus qu’il ne nous en fallait pour terminer aisément notre existence. Nous n’avions plus de descendance. Nos deux fils nous avaient quittés, l’un victime d’un accident, l’autre de la petite vérole. Il était pour nous bien plus cher que ces quelques objets. Il refusa pourtant, nous certifiant qu’il ne manquait de rien et qu’avant d’être assassinés ses parents avaient pris la précaution de le nantir. Ce fut la seule confidence qu’il nous consentit. Parler de ce passé lui était trop douloureux, nous le comprîmes à son visage bouleversé par ses souvenirs. Nous lui avons assuré qu’il trouverait toujours une famille auprès de nous et qu’à notre mort, que nous imaginions proche, tout ceci lui reviendrait.
    — Savez-vous ce qu’il a fait, madame ? demanda M me  Dumas, les yeux brillants d’émotion.
    Emma secoua la tête, touchée plus qu’elle n’aurait voulu l’admettre.
    — Il s’est mis à rire et nous a promis une vie sinon éternelle, du moins exceptionnelle de longévité, ajoutant qu’il nous aimait sincèrement et que c’était pour cette raison qu’il avait renoncé au métier de procureur, lui préférant le grand œuvre. Il tenait à nous garder longtemps à ses côtés.
    — Le plus surprenant, madame de Mortefontaine, c’est qu’il l’a fait, compléta maître Dumas en prenant dans sa main celle, tremblante, de son épouse.
    Ils échangèrent un long regard complice qui troubla Emma. Jamais encore elle n’avait été témoin de tant d’amour ainsi partagé. Le visage de Mary Read passa devant ses yeux et elle le chassa d’un geste agacé. Ne pas se laisser attendrir, avaler par le désespoir, par le manque.
    Elle était là dans un but bien précis.
    La remarque de maître Dumas l’intrigua assez pour l’y ramener.
    — Que voulez-vous dire, maître ? Que Mathieu aurait accédé à ce que vous appelez le grand œuvre ?
    — Oui, répondit-il sans hésiter. Il lui fallut deux années à nos côtés. Etonnamment, pourtant, ce n’était pas devant les cornues que son inspiration venait. Il s’enfermait dans cette cave, au milieu des trésors, et prenait le crâne entre ses mains, pour fixer ses orbites creuses. Chaque jour, plusieurs heures durant. Il affirmait que le crâne de cristal l’apaisait, l’aidait à réfléchir, à se concentrer, à rassembler ses idées. Il ne possédait cependant aucun talent magique, je puis l’assurer, car, à l’exemple de Mathieu, je m’y suis concentré de même, dans l’espoir que le génie me viendrait. Deux ans plus tard, Mathieu nous quittait en emportant le crâne de cristal avec lui à Venise où il souhaitait s’installer. Il avait l’ambition d’aider les hommes à calmer leurs tourments. Il rêvait d’unifier les peuples, de faire taire les guerres, de prévenir et guérir les épidémies, de générer un ordre où le bonheur serait équitablement réparti entre les hommes, du plus servile et simple au plus grand. Il rêvait d’un monde meilleur, madame, et voyez-vous, moi qui connais le cœur et les vices des hommes, moi qui peux me vanter de discerner le coupable de l’innocent sans me tromper, moi, madame, je me suis incliné en le serrant dans mes bras comme le fils qu’il était devenu. J’ignore si le crâne de cristal lui avait inspiré ces élans impensables, absurdes et irréalisables, pourtant, s’il était un être en ce monde capable de les imaginer et de les construire, c’était bien Mathieu. La tâche est lourde et longue, mais à ce jour il continue d’œuvrer. Auprès des vieillards, des malades et des miséreux, dans l’ombre, proche des grands et du pouvoir, et de la même manière

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