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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Mary avait jusque-là manifesté un caractère agréablement gai. Mary revint dans la salle commune où les tables avaient été dressées, par habitude. Elle se précipita et tomba sur Niklaus occupé à gravir les marches pour remonter du sous-sol. Un pichet dans chaque main, il chantonnait. Il leva les yeux vers sa femme en souriant et fredonna :
    — Mary, Mary…
    Parvenu à hauteur de son visage, il réalisa qu’elle savait. Il s’attendait à des cris, certainement pas à ce poing qui vint lui fracasser le nez, lui faire perdre l’équilibre, et l’obligea à se rattraper en lâchant les pichets pour se retrouver éclaboussé de vin. Milia et Frida se précipitèrent, autant par curiosité qu’attirées par le vacarme. Le nez sanguinolent de Niklaus n’apaisa pas pour autant la rage de Mary.
    — Infâme brigand ! Vingt mois, n’est-ce pas ? Comment ai-je pu être assez stupide pour te croire ! Tu mériterais que je te tue, là, sur-le-champ, pour t’apprendre à me duper ! Crèverie ! s’emporta-t-elle, se jetant sur lui de nouveau pour le frapper.
    Cette fois, Niklaus ne se laissa pas faire. Il avait sa fierté devant ses employées. Imposant et toujours svelte malgré le manque d’activité, il la faucha dans son élan et la retourna pour l’immobiliser.
    — Vas-tu te calmer, gronda-t-il en lui croisant les bras sur sa poitrine encore gonflée de lait, et me dire ce qui me vaut un tel chapelet d’injures ?
    — Me calmer ! vociféra Mary. Comment pourrais-je me calmer alors que je suis enceinte !
    Les deux filles échangèrent un regard consterné. Comment une aussi bonne nouvelle pouvait-elle déclencher une telle colère ?
    — Et vous deux, hurla Mary, retournez donc en cuisine ! Vous avez mieux à faire que de vous mêler de ça !
    Niklaus confirma l’ordre d’un signe de tête tandis que Mary luttait pour se dégager. Elles filèrent en se retenant de pouffer.
    Au plus fort de sa colère, Mary éprouva une soudaine et irrépressible envie de pleurer. Elle ne voulait aucun témoin ! Elle s’était bien assez donnée en spectacle. D’autant plus que Niklaus maintenait sa tenaille, presque à lui faire mal. Il s’employa à la calmer, reniflant le sang qui coulait de ses narines.
    — Tu as une sacrée droite.
    — Lâche-moi, grinça Mary. Je suis sûre que je peux faire mieux.
    Il se retint de rire. Il percevait sa détresse derrière son air crâne.
    — Je te rappelle, Mary Read-Olgersen, qu’il faut être deux pour faire un bébé et qu’à aucun moment tu ne t’es échappée.
    — Je ne croyais pas retomber enceinte aussi tôt, grommela Mary.
    — Moi de même. Quoi que tu en penses, je ne l’ai pas fait exprès. Qu’aurais-je à y gagner ? avança-t-il, rusé.
    — Est-ce que je sais, moi ? grinça encore Mary, sentant sa colère retomber. Lâche-moi, tu me fais mal !
    C’était faux. La douleur était en elle. Niklaus se contenta de desserrer son emprise et se mit à bercer Mary doucement, embrassant ses cheveux.
    — Je comprends que tu sois déçue de ce contretemps, mais il ne change rien à nos projets, Mary. Il les repousse seulement. Est-ce donc si difficile pour toi de vivre à mes côtés ?
    Mary sentit une détresse immense la gagner. Non, ce n’était pas difficile. Niklaus était l’être le plus merveilleux qu’elle connaissait et, contrairement à ce qu’elle avait voulu prétendre, elle prenait un réel plaisir à s’occuper de son fils, se rengorgeant de ses sourires, de ses balbutiements de nourrisson, comme d’un émerveillement quotidien. C’était la première fois qu’elle mesurait vraiment le lien qui l’avait unie à Cecily. Jusque-là, il avait été instinctif. A présent elle le découvrait charnel, viscéral, et comprenait l’importance qu’elle avait eue pour cette femme rejetée de tous.
    La vérité était que Mary avait peur. Peur d’aimer. Peur de cette dépendance qui lui torturait le ventre dès qu’elle s’éloignait de son fils. Peur de le perdre, de ne pas savoir lui apporter l’essentiel, et bien plus encore. Peur de ne pas être capable, comme Cecily avant elle, de tout lui sacrifier. Sa vie, ses rêves et jusqu’à ses projets. Et tout à la fois, elle bénissait Niklaus de le lui avoir donné. Niklaus la lâcha, ressentant cette dualité qui la torturait. Il se doutait bien que tôt ou tard elle y serait confrontée. Il l’espérait. Il l’attendait. Lui savait depuis longtemps, elle

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