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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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devrait l’apprendre. Lentement, patiemment, dans la confiance et la tendresse. Plus le temps passerait, plus Mary le réaliserait. C’était son cadeau à lui, un cadeau aussi inestimable qu’inavouable. En remerciement de tout le bonheur qu’elle lui donnait.
    Mary hoqueta et se retourna pour noyer ses larmes dans le tablier aux relents de vinasse qui couvrait la poitrine de Niklaus. Incapable seulement de se souvenir si elle avait pleuré un jour.
    — Là, chuchota-t-il en caressant sa nuque. Tu verras, tout ira bien. Le temps viendra, Mary. Le temps viendra où tes rêves deviendront réalité.
    — Ce n’est pas ça, finit-elle par avouer entre deux sanglots convulsifs. C’est juste que je ne croyais pas pouvoir autant vous aimer, toi et Junior.
    Un sourire immense étira le visage tuméfié de Niklaus tandis qu’un ouragan déferlait sur les épaules de Mary. Un ouragan qui dévastait vingt années de rejet, de solitude et de désillusions, les balayant sans regret.
    Oui, il avait gagné !
    Mary Read avait enfin découvert que le trésor le plus précieux au monde ne valait pas un amour à partager.
     

32
     
     
    E mma de Mortefontaine, enjouée, déploya son éventail devant un rire léger, assise sur un divan au milieu d’un parterre d’admirateurs, tous désireux de la charmer. Elle se trouvait dans l’endroit le plus en vue de Venise, le salon de l’ambassadeur de France, M. Hennequin de Charmont. Celui-ci, aussi subjugué que ses convives par l’étonnante beauté d’Emma, lui envoyait invitation sur invitation.
    Cela faisait huit mois à présent qu’elle participait à la vie trépidante de la République, alors qu’elle avait imaginé seulement y passer, rencontrer le sire de Baletti et en repartir, le crâne de cristal dans un panier. Renseignements pris, il apparut que le patricien était en affaires à l’étranger et qu’on ignorait la date de son retour. Cela pouvait être une semaine, un mois ou une année. Quant à ces affaires, nul n’en savait véritablement la teneur.
    En république de Venise, M. de Baletti était armateur, ce qui avait aussitôt séduit Emma. Cela lui donnait au moins un prétexte pour le rencontrer. On laissa entendre aussi qu’à ses heures il devenait usurier, prêteur sur gages, musicien, artiste peintre, poète ou simple courtisan. Les facettes de cet homme paraissaient multiples, tout autant que ses zones d’ombre. Emma mourait d’envie de les découvrir toutes. Les informations livrées par maître Dumas l’avaient mise en bouche, et ce qui se disait du physique charmant de M. de Baletti n’avait fait qu’exacerber sa curiosité.
    Tobias Read avait eu le bon goût, autrefois, de négocier jusqu’en Italie son commerce de navires, il en avait gardé un pied-à-terre dans la lagune, non loin de la place Saint-Marc. Il avait suffi à Emma, de passage à Londres à son retour de Paris, d’en chercher l’adresse pour annoncer sa visite aux intendants. Le temps passant, elle ne cessait de s’extasier sur les relations de son défunt deuxième époux. L’influence comme la fortune de celui-ci étaient bien plus importantes qu’elle ne l’aurait imaginé. Réaliser le moindre de ses désirs devenait d’une facilité déconcertante. S’il n’y avait eu cette quête, elle se serait très vite ennuyée !
    Où qu’elle aille, Emma ne se déployait plus sur les mers sans une escorte solidement armée. Pour décourager les pirates bien plus que les ennemis de l’Angleterre. Sa flottille n’avait pas été autorisée à franchir la passe, et Emma avait donné l’ordre au commandant de celle-ci d’attendre à Trieste.
    A peine son navire ancré en rade de Venise, elle était tombée véritablement amoureuse de cette ville, ne s’étonnant plus qu’on l’ait tant chantée. Une chaloupe l’avait débarquée au port au petit jour, alors que les premières lueurs de l’aube accrochaient les dorures à l’or fin des dentelles des palais vénitiens. La beauté des édifices ornés de sculptures et de fresques majestueuses n’en finissait plus de l’étourdir. George, fidèlement attaché à ses pas et à sa sécurité, s’en était trouvé tout autant touché.
    Les domestiques, selon les ordres qu’elle avait envoyés, l’attendaient. Ils l’accueillirent avec toute la chaleur des gens du Sud, ayant rafraîchi vaisselle et lingerie, aéré les draps, dressé des bouquets odorants sur tables et consoles, et astiqué de fond en

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