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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ventre plus bas qu’à l’accoutumée, se jurant de ne pas tarder, après sa grossesse, à convaincre Niklaus de filer à ses côtés. Au bas des marches, elle trouva leur associé et cousin en train d’inhaler une décoction fumante d’herbes et de tourbe, la tête recouverte d’un torchon sale, le nez au-dessus de son bol malodorant. Il l’écarta à son approche. Mary le vit lever vers elle un visage blanc et émacié. Elle s’avança vers lui, une main sur ses reins, les jambes écartées, s’imaginant semblable à l’un de ces pachydermes dont son précepteur chez lady Read lui avait autrefois montré l’image.
    Avant qu’elle ait pu lui demander comment il se sentait, il s’était redressé, manquant renverser le bol dans son élan. Il refoula une quinte de toux caverneuse et ordonna, entre deux sifflements :
    — Remonte te coucher !
    — Pourquoi ?
    Elle lui trouva si mauvaise mine qu’elle crut d’abord qu’il cherchait à l’éloigner. C’est en sentant couler un liquide poisseux le long de ses cuisses qu’elle comprit ce que sa toux l’empêchait d’exprimer. Elle tourna les talons tandis qu’enfin il s’exclamait, s’appuyant à la table pour tricher avec sa faiblesse :
    — Milia, Frida ! Faites bouillir de l’eau ! Mary va accoucher.
    Mary immobilisa son pas sur l’escalier et se retourna en ayant le sentiment que les poumons de Tire-grenaille venaient de se déchirer.
    Il vomit un sang clair sur la table tandis que les filles accouraient et qu’elle hurlait, ramenant Niklaus, déjà actif dans la cour, vers la maison. Il n’eut pas le temps d’intervenir. Personne ne l’aurait pu. Le regard de Tire-grenaille et celui de Mary se rejoignirent un instant. Celui de Mary s’emplit de larmes et de la douleur de sa première contraction. Celui du chirurgien-barbier de regret. Il s’écroula dans les bras de Niklaus, les narines pincées, cherchant un air que ses poumons ne voulaient plus trouver.
    Vie et mort venaient de se croiser.
    Quelques heures plus tard, dans l’auberge endeuillée naissait Niklaus Olgersen Junior, et Mary, pantelante et épuisée, se demandait quel destin ce sinistre présage lui réserverait.
     
    — Il a laissé un testament en ma faveur, annonça Niklaus huit jours plus tard.
    Tire-grenaille, comme Niklaus continuait d’appeler fraternellement son cousin, était enterré depuis trois jours. Trop faible encore, l’entrejambe déchiré par l’étonnante vigueur du nourrisson, Mary n’avait pu assister aux obsèques. Sur les conseils de l’accoucheuse, qu’on avait envoyé quérir en même temps que le curé, elle devait demeurer couchée jusqu’à la cicatrisation de ses plaies, se contentant de se redresser pour allaiter son fils.
    Mary se sentait empâtée, boursouflée, écartelée et souffreteuse.
    — Et heureuse, jamais ? s’était moqué Niklaus en l’embrassant sur le front.
    — Je n’ai plus assez d’énergie pour ça, avait-elle répliqué, de méchante humeur.
    — Tu en as assez pour te plaindre. Moi qui avais craint de te voir bêtifier devant ce chérubin, me voici rassuré.
    Pour toute réponse, Mary, furieuse, s’était emparée du gobelet d’étain posé à son chevet et l’avait envoyé de rage se vider sur Niklaus. Il avait réussi à l’esquiver en riant, quittant la chambre tandis que l’objet s’écrasait contre le mur pour finir sa course sur le plancher. Puis, d’un pas gaillard, il s’était rendu chez son père qui l’avait fait demander.
    — As-tu des excuses à me faire ? l’avait accueilli celui-ci sans préambule, la porte de son office refermée.
    — Non, avait aussitôt répliqué Niklaus, mais j’ai un fils et pour lui j’aimerais que nous fassions la paix.
    Les deux hommes s’étaient aperçus à l’enterrement de Tire-grenaille. Tandis que sa mère l’avait étreint en demandant des nouvelles de Mary, son père était demeuré distant et fier. Niklaus n’avait pas insisté.
    — Ce n’est pas pour cela que je t’ai envoyé quérir, mais pour m’acquitter des dernières volontés de ton cousin. J’aurais grandement préféré, je l’avoue, qu’il s’adresse à un autre, mais comme tu le sais, outre le fait que je fus son parrain, je n’ai pas d’associé à Breda, avait déclaré le notaire sèchement.
    Niklaus n’avait pas jugé bon de relever. Son père était l’homme le plus buté qu’il connaissait.
     
    — Il t’a légué l’auberge ! s’exclama

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