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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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énergie, elle courut à perdre haleine pour devancer les autres. Avant même les chevaux stoppés sur le bas-côté, elle avait enjambé les cordages et les bittes d’amarrage, bousculé du coude un grand échalas blond qui avait eu son obole plus que de raison, et approché sa première occasion.
    Le cocher ouvrait la portière lorsque Mary arriva devant l’homme qui en descendait, mais nullement comme elle l’avait espéré. D’un croc-en-jambe vengeur, son rival l’envoya s’étaler dans une flaque de boue. Les mains tendues en avant pour amortir sa chute, elle aspergea dans son élan les alentours immédiats, dont le costume impeccable du gentilhomme, qui en rugit de colère.
    — Triple sot ! s’exclama-t-il en français, décochant un coup d’un pied richement chaussé dans les côtes de Mary.
    S’asseyant dans la fange, elle bredouilla de plates excuses dans la même langue, la face tout entière barbouillée de terre dégoulinante. Le grand échalas offrit aussitôt ses services, maîtrisant son rire mieux que ses camarades, et Mary vit l’élégant monsieur, courroucé de sa maladresse, s’éloigner à ses côtés.
    Elle allait s’éclipser piteusement lorsque son attention fut attirée par une lettre gisant dans la boue. Elle s’en empara, et, par un réflexe, interpella sa victime du nom qu’elle y trouva inscrit, pour la lui rendre.
    — Monsieur ! Monsieur de La Partelière, attendez !
    A sa place, ce fut l’échalas qui se retourna pour lui tirer une langue moqueuse.
    — Donnez-la-moi, jeune homme ! exigea une voix féminine.
    Le derrière toujours collé à la flaque, Mary dut pivoter et lever la tête pour découvrir, sur le marchepied de la voiture, une élégante dame, l’air aussi amusé qu’attendri par sa pitoyable posture.
    — Je suis désolée, madame, déplora Mary, je l’ai salie autant que les effets de votre époux.
    — Vous parlez le français ? s’étonna celle-ci en pouffant derrière sa fine main gantée.
    — Et je le lis aussi, avoua Mary, espérant justifier ainsi son insistance.
    — Filez décrotter vos habits, décida la femme en refusant de saisir la lettre maculée de boue, et portez cette missive chez moi lorsqu’elle sera sèche. Comment vous nomme-t-on ? Quel âge avez-vous ?
    — Mary Oliver, madame, et j’ai dix-huit ans, mentit-elle.
    — Eh bien, Mary Oliver, nous nous verrons plus tard, lui assura sa bienfaitrice en lui donnant son adresse et son nom. Quant à ce monsieur, cessez de vous en inquiéter. Ce n’est pas mon époux mais mon secrétaire particulier. S’il est si bougon, c’est que je viens de le congédier !
     
    Mary n’attendit pas le retour de l’échalas pour déguerpir. D’autres voitures s’étaient rangées, détournant d’elle l’attention de tous, et si sa saleté reçut autant de regards méprisants qu’amusés, tandis qu’elle gagnait une grève plus tranquille, Mary n’y prêta aucune attention.
    La douceur de cette M me  de Mortefontaine l’avait lavée de son chagrin plus sûrement que la pluie de ces derniers jours. Elle se décrassa dans les eaux sombres de la Manche en claquant des dents sous le vent mordant.
    « Une bourgeoise en crèverait ! » pensa-t-elle, se glorifiant soudain de sa constitution solide. Au pis, elle s’enrhumerait. Tout valait mieux que de laisser passer sa chance auprès de M me  de Mortefontaine. Dès que l’âpre vent du nord eut achevé d’égoutter ses vêtements trempés, collés à même sa peau frissonnante, elle courut pour se réchauffer, se faisant indiquer son itinéraire à chaque coin de rue. Elle parvint enfin à la riche demeure de sa protectrice, avec pour tout bagage son prénom usurpé.
    Une domestique au visage charmant lui ouvrit, l’examina, puis s’effaça pour la laisser entrer.
    — Madame vous attend, assura-t-elle en l’introduisant dans un petit salon.
    — Vous êtes bien plus joli qu’en négrillon ! lança Emma de Mortefontaine en lui tendant sa main.
    Mary y déposa un baiser courtois comme elle avait appris à le faire avec le professeur de bonnes manières de lady Read. Emma en eut l’air charmée.
    Tout aussitôt, cependant, elle s’exclama :
    — Mon Dieu, mais vous êtes glacé !
    Avisant les vêtements humides et l’air confus de Mary, Emma de Mortefontaine tira un cordon et la domestique parut.
    — Amanda, conduisez ce jeune homme à l’office et prêtez-lui une tenue de valet. Qu’il se change tandis

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