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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sottise d’une seule ? demanda Mary.
    — Tu ne comprends pas. La course n’est pas un jeu. Chacun de mes hommes doit savoir défendre sa vie autant que son pays. Tuer ou mourir.
    — Tu me crois donc incapable de me défendre ?
    — Oui.
    A cet argument-là aussi Mary s’était préparée.
    Elle se colla à lui sensuellement, pour aussitôt s’en écarter, s’étant emparée de l’épée qu’il portait au côté. Avant qu’il ait pu réagir, la lame lui chatouillait la pomme d’Adam.
    — Pose ça, tu pourrais te blesser, grogna Forbin, vexé.
    C’est le moment que choisit Corneille pour pénétrer dans la salle à manger. La fâcheuse posture de son capitaine n’amena qu’un rictus amusé sur la face du matelot : il savait bien que Mary ne s’en laisserait pas conter !
    Forbin tenta une esquive pour la désarmer, mais il ne parvint qu’à piquer davantage sa gorge, où perla une goutte de sang.
    Corneille s’installa nonchalamment le derrière sur la table. Bien résolu à ne pas se mêler de l’affaire, il entreprit de bourrer sa pipe.
    L’œil de Forbin s’illumina d’une rage muette qui enchanta Mary. Il avait horreur du ridicule. Plus encore de ce qu’il ne pouvait maîtriser.
    — Passe-lui une épée, ordonna Mary à Corneille en s’écartant de Forbin, l’air provocateur.
    Le matelot s’exécuta avec plaisir. Forbin hésita un instant.
    — Auriez-vous peur d’une femme, capitaine ? se moqua-t-elle pour le décider enfin à l’affronter.
    — Petite écervelée, grogna-t-il. A ce jeu-là, en trois passes je t’aurai troué le cœur.
    Elle eut envie de répondre qu’il l’avait déjà fait mais s’abstint. Elle avait une guerre à gagner. Celle de l’amour contre la bienséance.
    — Si je te prouve le contraire, tu m’embarques ?
    — Jamais.
    — Alors je vais te tuer, Claude de Forbin, et je prendrai ta place.
    Forbin éclata de rire en baissant sa garde. Cela suffit à sa tactique. « Désorienter son adversaire pour mieux le désarmer », lui avait appris son maître d’armes. Elle n’avait rien oublié. Son bras partit en avant et, usant de cette botte secrète qu’on lui avait enseignée, enleva l’épée de Forbin d’un simple mouvement circulaire du poignet. La lame s’envola. Mary la récupéra par le pommeau et pointa les deux épées sur la poitrine de Forbin. Son rire s’étrangla.
    — Etonnant ! lâcha-t-il, tandis qu’un sifflement admiratif s’échappait des lèvres de Corneille.
    — Veux-tu une deuxième chance, capitaine ? demanda-t-elle, l’œil vindicatif et satisfait.
    — Puisque c’est ce que tu souhaites. Voyons ce que tu as dans le ventre, Mary Read, décida Forbin, charmé.
    Elle lui tendit son épée et esquiva sa première attaque sans dommage.
    Perrine qui entra comme s’entrechoquaient les lames poussa un cri de terreur et en lâcha le pot de crème qui s’écrasa sur le carreau avec fracas. Corneille lui intima d’un geste de sortir du champ de ces ébats guerriers et les regarda jouter en tirant sur sa pipe. « Bon sang, pensa-t-il, que cette bougresse me plaît ! »
    L’expérience du capitaine finit par avoir raison de la technique de Mary. Lorsqu’il pointa sa lame sur son sein, son regard ne reflétait plus que l’envie de la soumettre. Vaincue, elle lâcha son sabre sur le plancher et avança le buste pour laisser le piquant de l’arme perforer ses bandages et toucher son cœur. Ils s’affrontèrent un moment encore, cette fois en silence, ravagés l’un et l’autre par un même désir, une étonnante complicité.
    — Saurais-tu tenir ta langue, Corneille ? demanda Forbin.
    — Si elle sait tenir la sienne, répondit celui-ci sans hésiter.
    Forbin laissa retomber son bras. Il crut bon d’ajouter :
    — Si quelqu’un devait apprendre la vérité, je n’aurais pas le pouvoir de te protéger.
    — Nul ne saura, je t’en fais le serment. Mais, s’il advenait que cela soit, sauve ton honneur, Forbin. Tue-moi, affirma Mary.
    Pour seule réponse, Claude de Forbin la plaqua contre le mur et l’embrassa passionnément, tandis que Corneille, impuissant, sentait une nouvelle vague de jalousie le submerger.
     

12
     
     
    Q uelques heures plus tard, sous les ordres de Corneille chargé de lui enseigner le métier de gabier, Mary embarqua sur La Perle, sachant bien, dès lors, qu’elle n’aurait plus aucune intimité avec Forbin.
    Elle en avait accepté la perspective avec

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