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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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désir pour elle que son capitaine. Elle s’en grisait un instant, puis sombrait invariablement dans un sommeil profond, épuisée de ces batailles successives dans lesquelles elle se perdait corps et âme.
    Ce n’était pourtant pas l’ordinaire de La Perle.
    Le plus souvent, le navire croisait sans rencontrer autre chose que du mauvais temps ou des barcasses de pêche, dépourvues d’intérêt Les matelots en attente de quart jouaient aux dés ou aux cartes, accordaient leurs instruments ou leurs voix pour entonner des chansons paillardes. Mary les reprenait à tue-tête d’une voix de fausset qui faisait rire Corneille aux éclats, quand elle n’était pas occupée comme ses compagnons à braver les éléments déchaînés.
    Ne pouvant rester très longtemps avec Forbin, elle passait beaucoup de temps auprès de Corneille qui la trouvait élève exemplaire et s’appliquait à parfaire son éducation maritime. Il l’informa aussi sur la condition de corsaire, lui expliquant la différence qui existait entre Forbin, officier de la marine royale, et ceux-là qui, munis d’une lettre de marque du roi et d’un navire, écumaient l’Atlantique et la Manche pour y gagner fortune. Ces derniers reversaient au roi le cinquième de leurs prises, s’allouant ainsi des revenus bien plus importants que les gens de la marine royale. S’ils prenaient plus de risques parce que souvent moins bien armés, ils gardaient aussi une plus grande liberté.
    — Ils sont plus friands de fortune que d’exploits, ou de gloire. A l’inverse de notre capitaine.
    Mary n’aurait su dire ce qu’elle aurait préféré.
    — Les deux sans doute, avait répondu Corneille sans hésiter, dans un rire léger.
    Celui-là la connaissait mieux qu’elle ne se connaissait elle-même.
     
    La campagne toucha à sa fin et Brest fut en vue une nouvelle fois. Mary était bien déterminée à reprendre auprès de Forbin cette conversation qu’ils avaient entamée sans la terminer. Elle était certaine que Forbin l’aimait. Elle avait eu envie de demander son avis à Corneille, mais n’avait pas osé. Ensemble, ils parlaient rarement du capitaine. Corneille évitait soigneusement ce sujet, fidèle aux ordres, mais obéissant plus encore à l’envie qu’il avait de voir Mary l’oublier à son profit. Il avait bien compris qu’elle rêvait d’épousailles pour se donner un nom et une dignité. Contre cela, il ne pouvait lutter, et comptait sur son tempérament bouillant pour ne pas se contenter d’une vie d’épouse rangée.
    Leurs ballots sur l’épaule, ils remontèrent ensemble jusqu’au centre de la ville, sans mot dire.
    Forbin, occupé à son rapport, n’avait laissé aucun ordre au sujet de Mary, et Corneille se doutait bien de ce que cela signifiait. Forbin devait se trouver fort embarrassé des sentiments et envies contraires qui l’animaient. La mère de Corneille leur ouvrit la porte en grand, hésitant un peu à serrer son gaillard de fils dans ses bras, le laissant en prendre l’initiative dès le battant refermé.
    — Bonjour à vous, Olivier, salua-t-elle Mary en lui tendant une main franche. Je vois que le grand air vous a profité. Vous voici une mine de vieux loup de mer.
    Passant un doigt réprobateur sur la joue barbue de son fils, elle ajouta :
    — Tu devrais prendre exemple sur ton compère et plus souvent te raser !
    Corneille et Mary échangèrent un regard complice et amusé tandis qu’elle poursuivait :
    — Resterez-vous longtemps à quai ?
    — Nous l’ignorons encore, mère, mais si tu pouvais nous loger tous deux…
    — Comme si j’avais le choix ! le taquina-t-elle en haussant les épaules. Va donc tirer de l’eau au puit et vous, Olivier, posez votre sac dans la chambre et venez m’aider à trier les légumes pour la soupe. Avec deux appétits comme les vôtres, il va me falloir du ravitaillement.
    — A vos ordres, capitaine, répliqua Corneille en se mettant au garde-à-vous.
    Sa mère le cingla d’une petite tape sur l’épaule.
    — Va donc, mauvaise graine ! Et cesse de te moquer ! lança-t-elle, ravie pourtant qu’il n’ait pas changé.
     
    La soirée s’écoula, gaie et chaleureuse. Mary appréciait cette femme qui lui rappelait Cecily sous ses meilleurs aspects. Elle avait eu quatre enfants d’un marin qui, peu de temps après la naissance du dernier, s’était perdu en mer, comme tant d’autres. Elle les avait élevés seule, s’employant de-ci de-là,

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