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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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envie de la mordre à l’évocation de son défunt ami. Il n’appréciait pas qu’elle s’en serve de prétexte. Il se contint pourtant.
    — Ne vous en offusquez pas, capitaine, ajouta Emma en découvrant la crispation de ses traits. Mon époux me manque souvent. Lorsque la solitude me pèse, c’est aux gens qu’il aimait que je pense.
    — Cela vous honore, madame, lui assura Forbin, pressé d’en terminer avec ces faux-semblants. Vous vouliez une raison, reprit-il. L’avez-vous trouvée ?
    — Vous l’ignorez sans doute, mais je travaille secrètement aux intérêts du roi Jacques II d’Angleterre. A Londres, j’avais chargé mon secrétaire particulier d’une lettre à poster contenant des renseignements de la plus haute importance. Je ne sais pas ce qui lui arriva tandis qu’il partait s’en acquitter. Cherchant sa trace, j’appris qu’il s’était embarqué sur un navire que vous avez abordé avec votre escadre. C’était un marchand anglais, un brigantin appelé La Gourmande.
    — C’est possible, en effet, répondit Forbin, faisant semblant de se concentrer sur ses souvenirs. Toutefois, si votre secrétaire particulier était à bord, je crains fort, madame, qu’il n’ait été tué en défendant sa vie. Je me rappelle à présent ce navire. Il préféra se saborder plutôt que de se rendre. Vous savez comment sont les corsaires, madame. Ils détestent qu’on les lèse d’un butin. Les survivants ont été massacrés.
    — N’avez-vous rien pris sur ces hommes ?
    — Rien, madame.
    — Et le navire, insista-t-elle, cherchant dans l’espoir de retrouver encore l’œil de jade un motif pour ne pas s’abandonner au chagrin de la mort désormais évidente de Mary.
    — Trop abîmé, il a sombré avec ses victimes. J’en suis désolé. J’aurais aimé vous être agréable.
    — Vous l’avez été, capitaine, lui confia Emma, par cette tendresse amoureuse dont vous m’avez bercée.
    Un long silence s’installa entre eux, puis Forbin demanda :
    — Une lettre n’est pas une grande perte. Pourquoi teniez-vous tant à retrouver son porteur, quand un employé aussi fidèle soit-il se remplace aisément ?
    — C’était plus qu’un employé, avoua Emma sans malice cette fois. Je l’aimais.
    Forbin n’insista pas. Il valait mieux pour Mary qu’Emma de Mortefontaine la croie morte. Elle ne risquait pas ainsi de tomber sous son influence que Forbin savait malsaine.
    Emma de Mortefontaine poussa un soupir à fendre l’âme en s’arrachant du lit où Forbin l’avait comblée.
    — Déjà ? crut-il élégant de s’exclamer.
    — Hélas ! monsieur. Je ne vous ai pas tout dit afin de ne pas subir l’affront d’être repoussée. Pour refaire ma vie, il me fallait enterrer ce valet que vous m’avez pris et apaiser la brûlure que votre souvenir avait imprimée en ma chair. L’un et l’autre appartiennent désormais au passé. Mon nouvel époux m’attend à Londres. Dès demain, j’embarquerai pour le rejoindre.
    — Qui est cet homme chanceux pour lequel à mon tour il me faudra vous oublier ? demanda Forbin en adoucissant son ironie d’un regard attristé.
    — Un armateur. Ami lui aussi de mon très cher Jean. C’est un mariage d’intérêt, comme vous vous en doutez, mais mes affaires souffraient de mon inexpérience. Il s’appelle Tobias Read, mais je doute que vous le connaissiez.
    — Je n’ai pas ce plaisir, mentit Forbin, se félicitant du jeu qu’il avait mené.
    L’alliance de ces deux-là ne pouvait qu’être nuisible à Mary.
    Il se leva et se vêtit à son tour pour la raccompagner.
    A peine la voiture d’Emma de Mortefontaine eut-elle tourné l’angle de la rue que Claude de Forbin bifurqua pour gagner celle de Corneille. Il se fit ouvrir en cognant à ses volets. Corneille fronça les sourcils en découvrant son capitaine à la lueur de la lanterne qu’il lui brandit sous le nez.
    — Je dois parler à Mary, annonça Forbin sans préambule.
    — Mary ? Mais elle n’est pas rentrée.
    — Habille-toi. Il faut la retrouver.
    Corneille n’attendit pas davantage. Le ton de son capitaine indiquait clairement qu’il y avait urgence et par là même danger.
     
    *
     
    M ary déambula longuement dans les ruelles, comme un malandrin en quête d’une bourse à cueillir. Sa mine renfrognée et son épée battant son flanc, prête à être dégainée, détournèrent d’elle les brigands qui la crurent des leurs. A deux ou trois

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