Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
rendez-vous ici.
    — Je ne connais personne de ce nom-là par ici, affirma le tavernier en se grattant la barbe.
    Mary fronça les sourcils. Corneille avait quatre jours d’avance sur elle. Avait-il été retardé ?
    — N’a-t-on pas laissé un billet à l’attention de Mary Read ? demanda-t-elle encore.
    — Non, mon gars, lui assura le tavernier. Mais je peux te servir à boire et à manger si tu veux patienter.
    — Va pour ton menu, décida Mary.
    Elle se détourna et s’en fut s’installer à une table, tout près de la croisée. Elle avait vu juste. Sur le quai, on en venait aux mains. Elle s’amusa du spectacle, l’esprit curieux, tout en se demandant pourquoi Corneille faisait le mort.
    Elle reposa précipitamment la pinte qu’elle avait levée, saisie d’un frisson glacé. Corneille s’était nanti d’une somme importante. A en juger par l’activité des tire-bourses, n’en avait-il pas fait les frais ? « Non, se dit-elle pour se rassurer. Corneille est malin et excellent bretteur. Même à un contre dix, il prendrait le dessus. »
    Elle se rasséréna et se concentra sur le bouilli de poisson et de légumes qu’on lui apportait. Largement épicé, le plat sentait bon. De quoi lui redonner du cœur au ventre ! Elle trancha une part dans le quart de miche de pain qu’on lui avait apporté et, répondant aux gargouillis de son ventre, s’empressa d’y goûter.
    De temps en temps, elle jetait un œil à l’extérieur pour surveiller son cheval qu’elle avait attaché auprès d’autres devant la façade. L’agitation et la peur redoublaient. La canonnade aussi. Des gens commençaient à presser le pas, à regrouper les enfants pour s’écarter du quai. A l’intérieur, un parfum de peur commençait à percer. Mary refusa de s’y soumettre. Accepter la fatalité, c’est aussi entrevoir le pire. Elle n’en avait aucune envie.
    Un fracas assourdissant retentit jusque dans les murs de la bâtisse. Mary l’identifia aussitôt, tandis que des marins se précipitèrent au-dehors. Elle ne broncha pas, certaine qu’un des bâtiments, ami ou ennemi, avait sauté. Elle avala une nouvelle rasade de vin. Elle n’était pas effrayée. Excitée tout au plus par ces odeurs de poudre qui lui parvenaient et la renvoyaient à son temps sur La Perle. Elle songea à Corneille et à ce plaisir qu’elle allait enfin retrouver à ses côtés. Il ne tarderait pas, c’était évident, et ils s’éloigneraient de cette fureur. Ce n’était pas leur guerre.
    C’est alors que surgit un badaud, la figure sombre et rouge, dans la salle.
    — Ils ont franchi le goulet ! beugla-t-il. Ces fils de garce vont percer nos navires à quai !
    En moins de temps que Mary n’en eut pour réaliser, tables et bancs étaient désertés, certains renversés dans la précipitation. Mary vit les capitaines se ruer vers les quais pour appareiller en toute hâte et tenter de sauver leurs navires. Ce fut peine perdue. Les unités de guerre anglaises avançaient vers la ville, décidées à la prendre, tandis que Jean Bart tentait encore de les repousser.
    — Merderie ! grinça Mary en se précipitant enfin à l’extérieur, sa dernière goulée avalée.
    Cette fois, elle ne pouvait demeurer là sans bouger.
    Les premières salves malmenaient les navires amarrés. Un à un les bateaux s’abîmaient dans la rade. Certains qui tentèrent de fuir en se voyant pris furent canonnés sans pitié par l’arrière-garde de l’escadre. Une réserve de poudre s’enflamma sur un bâtiment touché et une nouvelle explosion déchira l’air, vicié par l’odeur de soufre et de salpêtre. Partout les chevaux piaffaient à leurs attaches, ceux des voitures se cabraient, forçant leurs maîtres à rebrousser chemin.
    Autour de Mary, on courait en tous sens, dans une fumée âcre qui, poussée par le noroît, gagnait l’intérieur des terres. A sa droite, un boulet fracassa les vitres d’une façade, suivi d’un autre qui effondra un toit.
    La fureur des Anglais ne se contenterait pas de la rade, comprit-elle, sans parvenir pourtant à quitter l’endroit, fascinée par ces images de destruction et de violence qui l’avaient tant emplie auprès de Forbin. Une part d’elle, frustrée par les jeux de cour, la réclamait. Elle voyait les vaisseaux anglais s’avancer malgré le harcèlement de l’escadre de Jean Bart.
    Les brûlots anglais, ces bâtiments remplis de matières incendiaires, laissés à la dérive,

Weitere Kostenlose Bücher