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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Peu importait la côte. Elle trouverait toujours moyen de voyager. Quant à Corneille, un simple billet envoyé à Brest chez sa mère, en courrier à faire suivre, le rassurerait et lui permettrait de la localiser.
    Hélas ! cependant, aucune escale ne lui permettait de donner corps à ses projets. Les marins étaient toujours consignés à bord. Seuls les officiers gagnaient la terre, sitôt l’ancre jetée, laissant le navire trop loin des côtes pour qu’elle pût envisager de les gagner à la nage. Shovel était un homme de discipline, qui ne supportait aucune insubordination. Le moindre sourire déplacé suffisait pour être mis aux fers.
    Il n’admettait la beuverie qu’en des circonstances particulières, et elle était réglementée. Il déléguait quelques-uns à la surveillance des marins qui, après avoir bu leur ration de rhum à en être soûls, se voyaient cantonnés dans leurs quartiers où ils pouvaient chanter, vomir, dormir ou se quereller sans qu’il y trouve rien à redire. Nul ne le savait. Il n’aurait pas toléré pareil laisser-aller de la part de son équipage à terre. Les garder à bord l’évitait à coup sûr.
    Pour les mêmes raisons, chaque fois que c’était possible, il autorisait des putains sur le vaisseau. La solde des marins passait dans ces étreintes qui faisaient du navire un gigantesque bordel, sans aucune intimité, puisque là encore ceux qui souhaitaient se soulager s’entassaient dans la batterie des deux niveaux inférieurs.
    Il tolérait ces orgies où les corps se mêlaient sans pudeur, sans distinction de sexe, où l’on goûtait à tous les interdits avec une indécente frénésie. Il les tolérait, dès lors que rien ne perçait de ces pratiques à terre. De sorte que sa réputation et celle de son équipage le précédaient en tous lieux : où qu’il mouillât avec sa flotte, on était assuré de l’ordre dans les villes. Il en tirait profit en obtenant les meilleures marchandises aux meilleurs prix.
    Dans ces manèges lubriques, Mary avait une position peu enviable. Il n’était pas question pour elle de se mêler à ces jeux, sans être immédiatement découverte. Elle n’en n’avait pas non plus envie, malgré son goût pour l’amour et le souvenir des caresses de Corneille qui la hantait.
    Souvent, depuis la hune, elle regardait les rivages, observait les courants glacials qui y menaient, en rêvant à son trésor devenu inaccessible, et à Corneille. Tous deux lui manquaient. Elle décida de prendre son mal en patience. Tôt ou tard, Shovel reviendrait en Angleterre. C’était inévitable. Il aurait été ridicule de prendre des risques inconsidérés.
     
    *
     
    E mma de Mortefontaine posa le talon sur le marchepied qu’un valet attentionné avait déposé devant la porte de sa voiture.
    — Nous sommes heureux de vous accueillir, milady, récita celui-ci avec un fort accent irlandais.
    Emma ne douta pas un seul instant que ce fût vrai. De fait, depuis que son premier époux lui avait acheté une parentèle, elle n’avait jamais eu l’occasion de se rendre dans ce domaine dont, avec le nom, elle avait hérité.
    Celui-ci, situé à trois lieues de la ville, dans le comté de Cork, lui apparut plaisant sitôt qu’elle l’eut contemplé de son œil conquérant. C’était une de ces vastes demeures irlandaises flanquées de deux tours carrées. Dressée au milieu d’une immense plaine, elle avait fière allure malgré les rares arbres qui ornaient le parc. Emma jugea aussitôt qu’il aurait été dommage qu’elle n’y vînt jamais.
    C’était une tempête qui avait décidé de sa visite. Une tempête qui lui valait un procès. Le valet se chargea de descendre ses bagages tandis qu’elle s’avançait le long de l’allée, comprenant d’un seul coup d’œil qu’en effet le manoir avait autant souffert qu’on le lui avait annoncé. L’affaire remontait à son séjour en France. A peine revenue à Londres, elle avait trouvé une lettre de William Cormac, attorney de Cork, qui l’informait des griefs dont on l’accusait.
    Le plus proche voisin d’Emma, un vieil avare grincheux et procédurier, avait vu la maison de ses paysans abîmée par un arbre déraciné. Celui-ci, vermoulu et centenaire, aurait depuis longtemps dû être coupé, d’autant qu’il bordait les deux propriétés. Lord Weldigan, irascible, exigeait pour ses réparations et son préjudice une somme exorbitante qu’Emma n’avait pas acceptée, c’était

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