Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
heurtèrent les navires à quai. Leurs mâts enflammés, fauchés par les boulets ramés qui fendaient l’air, s’effondrèrent en de sinistres craquements sur le port, communiquant les flammes qui les rongeaient aux marchandises en attente de chargement. L’incendie, attisé par le vent, s’étendit aux habitations proches, en chassant les habitants terrorisés. Hommes, femmes et enfants tentaient de s’en extraire, en sauvant ce qui leur était cher sous la pluie de décombres que les explosions des soutes à poudre, tour à tour canonnées, faisaient voltiger.
    Épaissie, la fumée s’était chargée de la poussière soulevée par les effondrements des échoppes et piquait aux yeux et aux narines. Un sentiment de fin du monde s’était répandu dans la ville. Partout on courait, hurlait, suppliait. Des mères serrant leurs enfants dans leurs bras cherchaient un abri de fortune en remontant au long des ruelles. Des gamins pleuraient devant leurs logis dévastés, quêtant une main tendue et rassurante qu’ils ne parvenaient à trouver. Les marins eux-mêmes, désespérés devant leurs navires perdus, tiraient au pistolet en direction de la mer pour repousser l’assaillant, pour tromper leur haine.
    L’horreur était partout, comme une immense marée destructrice qui n’en finissait plus de déferler.
    Dunkerque était bombardé.
     
    Lorsque Mary comprit qu’il n’y avait plus rien à espérer, et certainement pas retrouver Corneille dans ce chaos, elle réagit enfin. Demeurer là, immobile, finirait par la tuer.
    Soit ! décida-t-elle. Puisque ces teignes d’Anglais voulaient l’empêcher de réaliser ses projets, elle allait se servir d’eux pour gagner l’Angleterre et se mettre en embuscade près de la maison d’Emma. Un courrier à Corneille l’inviterait à l’y rejoindre avec Cork. De là, la clé du trésor enfin récupérée, ils gagneraient les Indes occidentales.
    Elle ôta précipitamment ses bottes, son épée et son pistolet, et les abandonna à quai. Elle enfonça ensuite sous ses bandages l’œil de jade et le pendentif d’émeraude et jura en se jetant au milieu du charnier flottant que rien, et surtout pas la fatalité, ne l’empêcherait d’atteindre son trésor !
    A plusieurs reprises, elle dut se protéger, en plongeant profondément, des projectiles de toute nature planches, mâture, grenaille, ferraille, cordages, voiles qui, soulevés par les explosions répétées, retombaient avec fracas dans les flots déchaînés. S’écartant des étraves des barcasses que les amarres rompues avaient rendues à la dérive, elle finit par atteindre le vaisseau amiral. Agitant ses bras, elle se mit à hurler : «  Help ! Help ! Save me ! Save me, please ! » , jusqu’à ce qu’un cordage lui fût lancé.
    Mary nagea encore jusqu’à celui-ci, s’y agrippa sans parvenir à se hisser tant ses bras, son corps tout entier étaient endoloris et glacés. Elle était prête à sombrer, si près du but, lorsqu’elle se sentit soulevée, arrachée des éléments et amenée sur le pont.
    Avant qu’elle ait pu dire un mot ou seulement reprendre son souffle, on la traînait à travers le pont jusqu’au gaillard d’arrière. Elle s’effondra, dégoulinante et harassée, devant le commandant.
    —  What is it ? demanda celui-ci en fronçant les sourcils.
    —  A french rescue.
    —  No, no, sir, I’m english.
    Et Mary s’inventa une nouvelle histoire. Capturée sur un navire marchand par le capitaine Forbin qui l’avait gardée comme esclave sur sa frégate, elle avait subi toutes les vexations possibles de la part de son équipage, avant de pouvoir s’échapper. Elle s’était réfugiée à Dunkerque et cherchait un navire en partance pour l’Angleterre, car rien ne lui tardait plus que de rentrer chez elle. Tandis que, en les voyant en découdre avec ces chiens de Français, elle n’avait pu résister à l’envie de les rejoindre. Elle termina en poussant un enthousiaste : «  God save the king Guillaume ! » qui statua de son sort.
    —  Well, well, conclut sir Clouderly Shovel.
    De sa supérieure prestance, il se désintéressa d’elle et on la conduisit aux cuisines où elle fut aussitôt récupérée pour des tâches bien éloignées de ce qu’elle espérait.
    La ville mise à sac, les navires anglais laissèrent les côtes derrière eux. Devant le port détruit de Dunkerque où il venait d’arriver, Corneille, juché sur son cheval nerveux, regardait

Weitere Kostenlose Bücher