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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Mary.
     

24
     
     
    C orneille demeura à Brest trois semaines. Devant sa mine triste et basse, sa mère l’avait questionné. Il n’était pas dans les habitudes de son fils de s’écarter de l’eau. Marin il était, marin il mourrait. Corneille lui raconta tout et Madeleine le consola. Si Mary écrivait ou s’en venait, elle pourrait très facilement le contacter par l’intermédiaire de Forbin. Quant à ce trésor, il valait mieux pour lui l’oublier et revenir dans cette marine dont il était sûr au moins qu’elle saurait le combler.
    La sagesse de sa mère eut une fois de plus raison de son découragement, et il se redressa, un rien honteux de s’être ainsi laissé aller. Lui qui, ventrebleu, n’avait jamais frémi devant le danger !
    Madeleine le regarda partir en se disant que cette Mary devait être bien exceptionnelle pour l’avoir si fortement marqué.
     
    *
     
    M ary se redressa dans son hamac.
    Depuis quelques minutes, on avait relevé les mantelets et mis les canons au sabord. Tour à tour, ils tiraient dans un fracas assourdissant, répandant dans la batterie une fumée chargée d’odeur de poudre, qui lui piquait les yeux et le nez. C’était ainsi à chaque bataille. Son ventre se nouait et elle attendait avec impatience le moment où elle pourrait regagner le pont et saisir de plein fouet cette humeur guerrière qui agitait le navire.
    La flotte de Shovel était rapide, bien organisée et efficace. Les sommations suffisaient à éviter les abordages et, s’il s’avérait que l’on résistât, Shovel donnait l’ordre de couler l’insubordonné. Les prises ne l’intéressaient pas. Seule comptait sa mission : dégager les eaux de ces maudits corsaires français, tout juste bons à pendre ou à noyer comme les pirates dont ils étaient le reflet.
     
    — Armez… Feu ! hurla l’officier canonnier tandis que Mary se hâtait vers les degrés qui ramenaient à l’air libre.
    Parvenue à l’étage supérieur, elle eut l’impression qu’on la hélait. Elle hésita un moment, puis se retourna.
    — Moi ?
    — Ramène-toi, ordonna un gradé. Tu sais te servir de ça ?
    Mary hocha la tête, comprenant sur-le-champ qu’il lui fallait remplacer le garçon de poudre blessé par le recul du canon. Il s’était fracassé le crâne contre un boulet et gisait dans une flaque de sang à hauteur de la tête.
    — On m’attend dans la mâture, objecta Mary. Je dois rejoindre mon quart.
    — Tu viens d’en démissionner. C’est un ordre, insista l’homme.
    Mary obtempéra. Elle souleva la gargousse et la vida dans l’orifice prévu à cet effet. En toute hâte, elle arma le canon de son boulet, le fit coulisser sur ses rails jusqu’à ce que la volée traverse le sabord, et alluma la mèche de sa pierre à feu. Elle se recula tandis qu’elle crépitait, la regardant finir avec une excitation non dissimulée.
    Lorsque le coup partit, elle eut l’impression que son ventre se déchirait. Et elle se précipita de nouveau pour jouir de la guerre et de sa violence, frustrée de ces dix-huit mois à bord sans jamais vraiment l’approcher.
     
    Deux mois plus tard, ils mouillaient au large des Flandres. Le printemps s’annonçait sous la forme de giboulées violentes qui surprenaient le navire. Shovel avait autorisé des catins à bord et une barque se chargea de les amener. Comme chaque fois, la trentaine de filles se répandit dans la batterie.
    Mary gagna le gaillard d’arrière pour goûter quelques instants de tranquillité. Elle laissa son esprit vagabonder. La cour, le roi Jacques, Forbin, Emma, Tobias, même Corneille et son trésor lui semblaient bien loin désormais. Sur le navire de Shovel, elle avait fini par se résigner. Trop de temps avait passé. Même si parfois, lancinant, le souvenir et l’envie lui en revenaient.
    Elle s’accroupit contre une rangée de faucons et tira plusieurs bouffées, la tête vide et le corps brimé. Trois matelots, ivres et édentés, s’approchèrent en ricanant. Mary ne les appréciait pas. Ce n’était pas la première fois qu’ils la lorgnaient ou la suivaient. Elle se mit instinctivement sur la défensive. Discrètement, faisant mine de gratter son mollet, elle y récupéra le poignard qu’elle y portait toujours caché, maintenu à une jarretière. Elle glissa la lame dans sa manche de veston et referma son poing sur la crosse. Dans la position où elle était, elle pouvait aisément bondir pour frapper. Elle ferma à

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