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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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écume qui moussait sous son souffle régulier. L’orage n’en finissait pas de crever, et la mer de se déchaîner.
    Elle se redressa en grelottant sur ses coudes et se força à avancer à genoux sur le sable. Si elle ne trouvait pas un abri, elle tomberait malade. Une série d’éternuements le lui confirma. Elle avisa une carcasse de barque et s’y pelotonna à l’abri du vent Elle se mit à tousser et chercha à sa ceinture la gourde de peau emplie de rhum qu’on leur avait distribuée avant l’arrivée des catins. Elle la vida, puis, entourant ses jambes repliées de ses bras, elle s’appuya au flanc de l’embarcation, ferma les yeux, et s’abandonna.
    Lorsqu’elle s’éveilla, des mouettes piquaient du bec dans les eaux sombres redevenues sages. Un franc soleil balayait l’azur dont les nuages s’étaient dispersés. Mary en était baignée. Elle cligna des yeux, s’étira puis se leva pour le laisser l’envelopper en entier. Le nordet était cinglant. Mary renifla. Non, jugea-t-elle, pas de nez bouché ni d’humeur bronchique. Cette fois encore, le rhum l’avait sauvée !
    Elle fut prise aussitôt d’une joie puérile, réalisant enfin ce qui venait de se passer. Libre. Elle était libre de nouveau. Après deux années passées en mer. Elle allait enfin pouvoir reprendre sa vie là où les circonstances la lui avaient volée ! Affamée, elle allongea son pas le long de la grève. Il lui fallut couvrir plusieurs lieues.
    Quelques heures plus tard, elle parvenait enfin en ville et s’appliqua à scruter la mer. Aucun pavillon anglais n’y mouillait. La flotte de Shovel avait assurément levé l’ancre. Elle en fut enchantée.
    Avisant une taverne sur le port, elle décida d’en gagner l’arrière-cour pour tenter de chaparder quelque nourriture dans les cuisines. Sans le sou, elle ne pouvait espérer un repas à l’intérieur. Dans un premier temps, se dit-elle, cela suffirait. Elle songea déjà que, pour repartir en France, il lui faudrait de l’argent et par conséquent un emploi. Elle était décidée à vérifier si Corneille avait survécu à Dunkerque avant d’envisager quoi que ce soit d’autre.
    Elle en était là de ses réflexions lorsqu’une main se posa sur son épaule, ferme et massive. Elle sursauta.
    — Holà, petit ! Quel âge as-tu ?
    Mary se retourna en toussant.
    — Je vais sur mes dix-sept ans, messieurs, répondit-elle, si surprise par la question que l’idée ne lui vint pas seulement de feinter.
    Ils étaient deux, habillés en soldats. Mary n’eut pas le temps de se demander plus avant ce qu’on lui voulait. Un des soldats plaqua une feuille sur une des nombreuses caisses vides qui s’entassaient de façon désordonnée et brinquebalante dans l’espace, et sortit de sa besace une plume taillée et un flacon d’encre. L’autre l’entraîna sans ménagement par le bras et la força à se pencher au-dessus de cette écritoire improvisée.
    — Signe là, mon gars, exigea-t-il.
    — Qu’est-ce que… ?
    — Signe là ou nous t’embarquons pour vol.
    — Mais je n’ai rien volé, se défendit Mary, agacée par cette inconfortable posture, d’autant qu’elle n’avait cette fois plus d’arme pour s’en défaire.
    — Alors que fais-tu dans cet endroit ? dit l’autre, soupçonneux.
    Mary comprit qu’ils avaient dû la voir contourner la bâtisse et que l’aubergiste les avait sommés de l’appréhender.
    — Je cherchais à manger, expliqua-t-elle, servie par la sincérité du gargouillement de son ventre. Je suis sans le sou et j’ai faim, ajouta-t-elle en prenant un air pitoyable.
    — Raison de plus pour signer, mon garçon, lui enjoignit l’homme en lui tendant sa plume.
    Mary soupira et obtempéra, résignée. « Tant qu’à trouver un emploi, se dit-elle, pourquoi pas celui-ci ? » L’homme replia le document, le rangea dans sa besace avec la plume et l’encre, et lui tapota l’épaule.
    — Te voilà engagé dans la glorieuse armée de Sa Majesté le stathouder de Hollande, lui dit-il avec fierté.
    Mary ne s’en étonna pas outre mesure. Elle avait très vite reconnu dans ces pratiques celles des agents recruteurs. Quel que soit le pays, ils usaient toujours des mêmes.
    — Tu es désormais cadet dans l’infanterie, ajouta l’autre, tu vas avoir un uniforme en place de tes guenilles, une solde de cinq sous et, pour commencer, un repas qui te remettra sur pied.
    Mary décida qu’à tout prendre, c’était

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