Les valets du roi
désormais à William Cormac d’en juger.
L’intendante l’accueillit sur le pas de la porte laissée grande ouverte. La domestique, épouse du valet encombré de bagages qui l’escortait, avait un visage avenant et chaleureux. L’intérieur, élégant et sobre, sentait bon la cire qu’on venait de passer.
— Avez-vous fait bon voyage, madame ? demanda-t-elle en la débarrassant de ses gants et de son manteau.
— Exécrable, avoua Emma. La mer était démontée. Je ne m’y ferai jamais.
— Je vous ai préparé du chocolat et quelques gâteaux. Voulez-vous y goûter ? s’empressa son intendante.
— Avec plaisir. Quel est votre nom ?
L’intendante lui accorda une jolie révérence pour se présenter.
— On me nomme Kellian et mon époux que voici répond au nom d’Edward.
— Eh bien, Edward, faites-moi donc visiter. Ainsi vous me raconterez ces tracasseries dont je fais l’objet et le parti que vous en avez. Rejoignez-nous, Kellian, avec le chocolat.
— Si vous le voulez bien, milady, nous commencerons par l’étage afin que je puisse y déposer vos bagages.
Emma hocha la tête et lui emboîta le pas d’un air décidé.
Deux heures plus tard, elle en savait assez sur son domaine, ses domestiques qui de génération en génération s’y étaient relayés, ces personnages aux visages encadrés sur les murs de pierre devenus ses ancêtres et ce voisin qu’elle avait bien l’intention de moucher. Elle renonça à lui rendre une visite courtoise pour tenter d’enrayer cette procédure ennuyeuse. Mieux valait pour ses intérêts rencontrer ce William Cormac qui l’avait convoquée. Le lendemain matin, elle se fit donc conduire à l’adresse qu’on lui indiqua, dans la ville de Kinsale, et s’annonça au cabinet de celui-ci dans une bâtisse de pierres grises joliment tournée.
A l’inverse de son plaignant, William Cormac avait la réputation d’être un homme affable, droit et scrupuleux. Emma de Mortefontaine le trouva aussi fort aimable de figure et tout enclin à se laisser toucher par sa beauté.
— J’entends bien vos arguments et les comprends… répondit-il après qu’elle lui eut exposé son sentiment.
Confortablement installés dans deux fauteuils en vis-à-vis, devant un verre de porto, ils avaient très vite ressenti l’un pour l’autre un vif intérêt. William Cormac en était pourtant ennuyé. Il s’était marié avec une personne dont la famille à elle seule possédait les trois quarts du comté. Jalouse et possessive, sa dame, qui avait accepté sa main par amour quand lui la demandait par intérêt, n’aurait certainement pas toléré une incartade. Et cependant le charme d’Emma le troublait au point de sérieusement l’envisager.
— Je n’aime pas l’idée de ce « mais » informulé, mon cher, avoua Emma de Mortefontaine en réponse à son constat.
— L’affaire est délicate et lord Weldigan entêté. Il y a eu négligence de votre part. Il le sait et les faits ne seront pas longs à être prouvés.
— Quel âge a ce lord Weldigan ?
— Je dirais soixante-dix ans. Pourquoi ?
— C’est un âge vénérable. Sa santé doit s’en ressentir et ces tracasseries ne vont rien arranger.
William Cormac fronça les sourcils, soupçonneux. Emma passa un doigt lascif sur l’échancrure de son décolleté carré, certaine que le regard du procureur s’y attarderait.
— Vous ne voulez tout de même pas dire… répliqua Cormac, fasciné par ce ballet qui ourlait deux ovales parfaits.
— Je veux dire, mon cher, que, si cette affaire traînait, les miennes s’en verraient soulagées.
— C’est difficile à justifier, grimaça Cormac.
Les doigts d’Emma s’amusèrent sur les lacets de son corsage, et elle enveloppa l’attorney de son regard brûlant. Avant longtemps, elle le savait, Cormac cesserait de lui résister.
— Peut-être vous faut-il des arguments, lâcha-t-elle dans un souffle en s’alanguissant dans son fauteuil.
— Peut-être, dit-il, vaincu par la sensualité animale qu’elle dégageait.
Emma tira lentement sur les lacets.
— Approchez, gémit-elle dans un souffle. J’ai ici de quoi servir votre plaidoyer.
Deux seins blancs émergèrent des brocarts relâchés, et Cormac tomba à genoux pour les embrasser.
Lorsqu’elle quitta son cabinet, Emma de Mortefontaine se dit qu’un petit séjour sur ces côtes lui ferait merveille pour se distraire de la disparition de
Weitere Kostenlose Bücher