Les valets du roi
qu’elle soit émue pour l’avoir totalement éclipsé !
— Je me demandais ce qui faisait ton grand courage, à présent je sais. Tu es aussi bigleux qu’obstiné ! s’amusa le maréchal des logis, rompant le silence dans lequel Mary s’empêtrait.
— Moque-toi, dit-elle enfin, ton discours et ta façon d’être pouvaient fort bien m’induire en erreur.
Olgersen essuya son menton avec une serviette, achevant d’en ôter un reste de savon. Il se retourna et Mary découvrit sur son torse épais les stigmates de nombreuses blessures. Il haussa les épaules avant d’attraper sa chemise qui achevait de sécher.
— Je suis tel que je suis, dit-il simplement. Mes hommes me doivent le respect, c’est un fait. Mais je ne suis pas de ces pédants qui pensent qu’un galon suffit pour l’exiger. Le respect, Read, c’est comme la confiance, ça se mérite et ça doit se gagner. Appelle-moi maréchal des logis comme les autres, et considère qu’entre nous, sur ce plan là, nous sommes à égalité.
Mary hocha la tête, de plus en plus troublée. Bien au-delà de la prestance que sa beauté augmentait, Niklaus Olgersen avait une intelligence rare. Sans même en avoir conscience, il acheva de la séduire en déclarant, avec un geste pour désigner sa tente :
— S’il te faut une preuve encore, soldat Read, sache que le dortoir de mes hommes étant plus que complet, c’est ici que tu dormiras.
— Sous ta tente ? bafouilla Mary.
Olgersen lui lança un clin d’œil complice et ajouta, en finissant de boutonner les agrafes de sa veste d’uniforme :
— Ne te fais pas d’idées, Read. Je n’ai aucun goût pour la pédérastie. Tu ronfles ?
— Je ne me réveille pas la nuit pour le vérifier, lâcha Mary, se ressaisissant à la perspective de ce que cette intimité pouvait supposer.
Olgersen s’en amusa et ajouta, pour clore l’entretien :
— Je vais aller prendre mes ordres. Rejoins les autres et, une fois présenté, cherche Vanderluck. Je lui ai touché un mot de cette histoire de paris. Il se chargera de les organiser. C’est sa spécialité.
Quelques heures plus tard, le régiment se hâtait de déménager, et Mary entreprit de faire connaissance avec ses compagnons, tout en s’activant à leurs côtés. A la mi-journée, ils avaient progressé de trois lieues plus au nord, pour tenter d’arrêter le front des fantassins français. À peine le campement remonté, et le barda des hommes déposé, Niklaus leur annonça que l’attaque était imminente. Il leur expliqua ses ordres et les positions qu’ils devraient tenir dans la bataille. Mary hocha la tête. Olgersen était visiblement habile à mener ses hommes. Sa façon de procéder et les raisons qu’il en donnait étaient cohérentes, tactiques et sensées.
Leur point fait, ils se rassemblèrent sous son commandement, enfourchèrent leurs montures et rejoignirent le reste de l’armée qui s’organisait dans la plaine.
Mary flatta l’encolure de son cheval. Devant elle, ses anciens compagnons d’infanterie traçaient une voie sanglante, nourrissant de leurs cris la hargne qui gagnait son cœur battant. Elle souffrait encore de son épaule blessée et risqua un œil vers la jambe de Niklaus, à ses côtés. A la manière dont il enserrait les flancs de son cheval, elle devait être moins douloureuse, mais certainement pas guérie. Voilà à peine trois jours qu’on l’avait abîmée.
Niklaus était d’une endurance exceptionnelle, jugea-t-elle. Il claudiquait à peine et à cheval paraissait aussi valide que ses compagnons. Elle se souvint de la façon dont il l’avait ramenée et s’en troubla de tout son être.
En un instant elle eut envie de ses caresses.
— Paré, Read ? demanda-t-il en levant son sabre.
— Paré, répondit-elle sans hésiter, tendue à se rompre.
Niklaus abaissa son bras, donnant ainsi le signal qu’elle attendait. Elle talonna son cheval en hurlant, sauvage et déterminée, l’épée levée, prête à frapper.
— A ta droite, Read ! beugla Niklaus tandis que le tranchant de la lame de Mary sectionnait le tendon du cheval ennemi pour faucher sa course. Elle se retourna d’un bloc et para le coup qu’on lui portait, dans le frémissement de l’acier entrechoqué. Malgré son épaule blessée, sa main gauche contrôlait les agacements de son cheval qui écumait des naseaux et roulait des yeux effrayés. Le Français était coriace. Un deuxième coup manqua la
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