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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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qu’on ne pourrait le croire en les voyant, grimaça
mon père quelque peu dégoûté. Mais le shah Zaman lui-même nous l’avait
certifié : c’est à Kachan qu’il se procure les garçons vierges qu’il offre
en cadeau aux autres monarques.
    — Ah, mais attention, les garçons vierges, c’est
autre chose. Vous ne risquez pas de les voir dans les rues, ceux-là, maître
Nicolô. On les tient confinés en pardah, aussi strictement que peuvent
l’être les princesses. Ils sont en effet destinés à devenir les concubins de
ces princes et autres notables qui entretiennent non pas un, mais deux harems
distincts : l’un rempli de femmes, l’autre d’hommes. Jusqu’à ce que ces
jeunes garçons soient assez mûrs pour être présentés, leurs parents les
conservent dans une perpétuelle indolence. Ils n’ont rien à faire, juste à
paresser alanguis sur des coussins, tandis qu’on les gave de châtaignes
bouillies.
    — Allons bon ! Mais pourquoi cette
nourriture ?
    — Ce régime leur rend la chair toute pâle, douce,
dodue et potelée : leur peau devient si fragile qu’on peut la griffer
d’une seule trace d’ongle. Les garçons qui ont cette apparence larvaire sont
particulièrement recherchés par les fournisseurs de harems. Mais tous les goûts
sont dans la nature. Je préfère, pour ma part, un garçon musclé qui pratique
l’acte de façon athlétique, plutôt qu’une grosse masse de graisse ronchon
qui...
    — Il y a assez d’obscénités apparentes dans cette
ville, trancha mon père, pour que tu n’y rajoutes les tiennes.
    — Comme vous voudrez, bon maître. Je ferai juste
remarquer pour conclure que les garçons vierges coûtent bien plus cher et qu’on
ne peut les louer. Dans le même temps, regardez, observez ! Même les
gamins des rues ici sont magnifiques. On peut les acquérir à moindre prix pour
les garder, ou tout simplement, pour moins cher encore, louer leurs services
pour un petit...
    — Je t’ai dit silence ! coupa sèchement mon
père. Maintenant, où allons-nous pouvoir nous loger ?
    — Ne pourrait-on trouver quelque chose comme un
caravansérail juif ? proposa mon oncle. J’avoue que je ne dédaignerais pas
de manger un peu convenablement, pour changer.
    Cette remarque mérite une explication. Au cours des
semaines qui venaient de s’écouler, la majeure partie des auberges que nous
avions trouvées au bord de la route étaient bien sûr tenues par des musulmans,
mais certaines appartenaient à des chrétiens nestoriens. Or cette Eglise
orientale dégénérée observe tant de journées de jeûne et tant de jours de fête
que presque chaque jour est soit l’un, soit l’autre. Aussi étions-nous
dans ces gîtes d’étape ou bien pieusement condamnés à mourir de faim, ou bien
non moins religieusement gavés à nous en faire péter la sous-ventrière. Par
ailleurs, nous avions atteint le mois que les musulmans de Perse nomment le
Ramadan. Ce mot signifie le « mois chaud », mais comme le calendrier
islamique suit les phases de la lune, son mois chaud peut tomber n’importe
quand dans l’année, en janvier comme en août. Cette année, c’était à la fin de l’automne.
Quelle qu’en soit la date, c’est en tout cas un mois de jeûne chez les
musulmans. Durant les trente jours du Ramadan, dès qu’à l’aube la lumière
permet de distinguer un fil blanc d’un fil noir, un musulman doit cesser de
manger et de boire, ainsi que s’abstenir de tout commerce hétérosexuel jusqu’à
la tombée de la nuit. Il ne peut pas non plus servir la moindre nourriture à
des invités, quelle que soit leur religion. De ce fait, en cours de journée, il
nous avait été impossible d’obtenir de la part de ces établissements ne
serait-ce qu’une louche d’eau du puits, alors que, dans chacun d’entre eux, dès
le coucher du soleil, nous pouvions être rassasiés jusqu’à réplétion. Voilà
comment, depuis quelque temps, nous alternions privations et excès, et le vœu
émis par oncle Matteo s’avérait de ce fait parfaitement justifié.
    Je ne me gênerai pas pour le souligner, rares sont les
juifs qui, en Orient, ouvrent des établissements proposant le gîte et le
couvert aux étrangers de passage. Sans doute parce qu’il s’agit là d’une
occupation moins rentable que celle qui consiste à prêter sur gages ou à
pratiquer d’autres formes d’usure. Mais, décidément, notre esclave Narine était
un homme de ressources. Il n’eut qu’à

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