Les voyages interdits
vu ! m’exclamai-je, tandis qu’en moi la compassion
l’emportait sur la répulsion. Quelle terrible enfance !
— Elle aurait pu être bien pire, développa
Narine. Dès qu’un bandit ou un chasseur d’esclaves capture un enfant et que ce
dernier n’a pas été ainsi longuement préparé, son ravisseur l’empale violemment
sur un piquet de tente afin de l’habituer à l’usage qu’on fera de lui. Mais
cela ne manque pas d’endommager durablement le muscle de contraction qui
entoure l’anus, de sorte que le jeune garçon ne peut plus se retenir et devient
incontinent de ses excréments. De la même façon, il n’est désormais plus en
mesure de jouer de ce muscle pour accroître le plaisir pendant l’acte.
Continue, Jafar.
— Quand je fus rôdé aux pratiques auxquelles mon
aîné s’adonnait sur moi, ce fut au tour de mon frère plus âgé, mieux membré, de
présider à mon développement ultérieur. Et dès que mon badàm fut
suffisamment habitué à l’acte pour que je commence à y trouver du plaisir, mon
propre père, alors...
— Adrio de vu ! me récriai-je de
nouveau, tandis que, je le concède, ma curiosité avait dès lors pris le pas sur
ma compassion et ma répulsion. Mais qu’entends-tu par le badàm ? Je
ne comprends pas bien ce détail, vu que le mot badàm signifie
« amande ».
— Comment, vous ne le saviez pas ? s’étonna
Narine. Pourtant, vous en avez une vous-même, comme tous les hommes. Nous
l’appelons « l’amande » parce qu’elle s’en rapproche par la forme et
la taille, mais les médecins la surnomment également parfois le
« troisième testicule ». Elle est située derrière les deux autres,
non pas dans le scrotum, mais cachée un peu plus loin dans l’entrejambe. Un
doigt ou, euh... tout autre objet inséré assez profond dans votre anus frotte
contre cette amande et la stimule, procurant à son propriétaire un véritable
plaisir sexuel.
— Vraiment ! fis-je, éclairé sur ce point.
C’est ce qui explique qu’à l’instant, sans avoir été stimulé en aucune façon,
Jafar ait éjaculé.
— Oui, et d’ailleurs nous appelons ce
jaillissement le « lait d’amande », compléta Narine d’un ton très
didactique. Les femmes, lorsqu’elles sont douées de suffisamment de talent et
d’expérience, connaissent l’existence de ce gland invisible du mâle. D’une
façon ou d’une autre, elles font en sorte, durant l’accouplement, de le
stimuler, afin d’accroître d’autant son plaisir au moment de l’expulsion du lait
d’amande, jusqu’à provoquer un véritable instant de béatitude.
Je remuai la tête d’un air songeur et concédai :
— Tu as raison, Narine. Un homme a beaucoup à
apprendre lorsqu’il voyage. (Je rangeai ma dague dans son étui.) Pour cette
fois, en tout cas, je consentirai à te pardonner la façon effrontée dont tu
m’as parlé.
Il répliqua avec suffisance :
— Un bon esclave fait passer l’utilité avant
l’humilité. Et maintenant, maître Marco, peut-être aimeriez-vous introduire
votre seconde dague dans un autre fourreau ? Veuillez observer la
splendide gaine de notre ami Jafar...
— Scagaròn ! lançai-je d’un ton cinglant. Je veux bien tolérer ce
genre de pratique chez les autres tant que je suis dans ces régions, mais en
aucun cas les partager. Même si la sodomie n’était pas un vil péché, je
préférerais cependant l’amour des femmes.
— L’amour, maître ? reprit en écho Narine,
tandis que Jafar repartait de son ricanement grossier et qu’un des chameaux
éructait bruyamment. Mais personne n’a parlé d’amour ! L’amour entre deux
hommes est un sentiment entièrement différent, et je pense que nous seuls, les
guerriers musulmans au cœur chaud, savons ce qu’il en est de cette émotion
sublime entre toutes. Je doute que les chrétiens, qui ont le sang froid et le
prêche paisible, soient capables de ressentir un tel amour. Non, mon maître. Je
n’évoquais là que la prise d’un plaisir qui s’apparente au soulagement, à la
satiété, à la simple satisfaction des sens. Et pour ce genre de chose, entre
nous, qu’importe le sexe du partenaire ?
Je piaffai tel un chameau sourcilleux.
— Facile à dire pour toi, l’esclave, puisque tu
ne vois même pas la différence entre un être humain et un animal. Pour
ma part, je suis bien aise de te confirmer qu’aussi longtemps qu’il y aura des
femmes en ce bas monde, je n’aurai aucune
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