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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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été saisi dans
l’après-midi, dans ses appartements du palais, d’une violente attaque. Il était
décédé peu après. Le Conseil s’était d’ores et déjà rassemblé pour élire son
successeur à la couronne ducale. L’ensemble de la population vénitienne était
convié à observer trois jours de deuil, avant les funérailles.
    « Eh bien, pensai-je sur le chemin du retour, si
un grand et célèbre doge peut mourir, pourquoi un noble de moindre importance
ne le pourrait-il pas également ? » C’est alors qu’une révélation me
frappa : les funérailles allaient sans doute être l’occasion, pour ces
nobles de moindre rang, de se réunir. Le mari de ma dame en serait forcément,
et il serait entouré, ainsi qu’elle l’avait suggéré, de ceux qui l’enviaient et
de ses principaux ennemis.

 
8
    Les trois jours qui suivirent, feu le doge Zeno reposa
dans son palais, honoré la journée du dernier hommage de respectables citoyens,
gardé la nuit par des vigiles. J’occupai ce temps à m’entraîner dans ma chambre
à manier la vieille mais encore digne épée, jusqu’à ce que je parvienne à
pourfendre et à embrocher sans difficulté les maris fantômes. Ce qui me posait
le plus gros problème, à la vérité, c’était simplement le transport de l’épée,
qui était aussi longue que ma jambe. Impossible de la glisser ainsi lame nue
dans ma ceinture, j’aurais risqué de m’empaler le pied en marchant. Quelle que
fut la façon dont je la porterais, ce serait dans son fourreau, ce qui
l’alourdissait encore un peu plus. Pour la dissimuler, je devrais la recouvrir
de mon long manteau de laine, ce qui ne me faciliterait pas la manœuvre
délicate consistant à dégainer.
    Cela ne m’empêcha pas de concevoir de savants plans
d’attaque. Au second jour de la veille mortuaire, j’écrivis un mot de mon
écriture la plus scolaire, m’appliquant à tracer, et même à dessiner au mieux
les caractères : « Viendra-t-il à la fois aux funérailles et à
l’intronisation ? » Je considérai la missive d’un œil critique, puis
soulignai bien le il, de façon qu’il n’y eût aucune méprise possible sur
la personne dont il s’agissait. Je pris ensuite la peine de calligraphier
laborieusement au-dessous mon propre nom, afin qu’on identifie nettement que
cela venait de moi. Après quoi, ne faisant confiance à aucun serviteur, je
livrai directement le mot à la maison muette et y attendis un autre
interminable moment qu’il en sorte, vêtu des sombres habits du deuil. Je fis
alors le tour par la porte de service, glissai la lettre à la vieille harpie
qui servait de gardienne et lui dis que j’attendrais la réponse.
    Après une nouvelle attente, elle s’en revint. Elle
n’avait aucune réponse, mais de son doigt noueux me fit signe d’entrer. Je la
suivis de nouveau jusqu’aux appartements d’Ilaria et trouvai ma dame penchée
sur mon papier. Elle semblait quelque peu énervée et négligea de me gratifier
d’un chaleureux bonjour, se contentant de me jeter :
    — Je sais lire, bien sûr, mais pas moyen de
déchiffrer ta misérable écriture. Lis-moi cela toi-même.
    Je le fis, et elle me répondit par l’affirmative.
Comme tous les membres du Grand Conseil de Venise, son mari serait à la fois
présent aux cérémonies d’inhumation et à celles qui célébreraient la
désignation du nouveau doge élu.
    — Pourquoi cette question ? ajouta-t-elle.
    — Cela me fournira deux occasions, expliquai-je.
J’essaierai de faire en sorte de... d’accomplir mon service le jour des
funérailles, et, si c’est impossible, cela me donnera au moins une idée plus
précise quant à la façon de procéder lors de l’assemblée de nobles qui
s’ensuivra.
    Elle me prit le papier des mains et le regarda.
    — Je ne vois pas mon nom, là-dessus.
    — Évidemment non, fis-je, du ton expérimenté d’un
conspirateur chevronné. Je n’irais pas compromettre une illustrissime !
    — Et le tien, s’y trouve-t-il ?
    — Oui, là. (Je désignai mon nom avec fierté.)
Vous voyez, c’est mon nom, ma dame.
    — L’expérience m’a appris qu’il est rarement sage
de coucher ce genre de chose par écrit, affirma-t-elle, puis elle plia le
papier et le glissa dans son corsage. Je le mettrai en lieu sûr.
    Je tentai de lui suggérer qu’elle n’avait qu’à le
déchirer, simplement, mais elle poursuivit, sur un ton de reproche :
    — J’espère que tu comprends à quel

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