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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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visage dans la boue, se relève en ignorant ses gémissements et va ramasser sa dague. Surmontant la douleur de son bras cassé, Germain se redresse et court vers les cages aux chiens. Il tourne le loquet de la première pour en libérer ses molosses, mais Touvenel l’a déjà rattrapé. Fou de terreur, Germain ouvre la porte de la cage pour s’y réfugier et la referme sur lui. Un premier chien le mord à la cuisse, Germain rugit, se débat, cherche à le repousser à coups de pied. Son agitation ne conduit qu’à exciter un deuxième chien, qui lui saute au bras. Excité par le sang de l’homme qui goutte, le premier lâche la cuisse de son maître et lui saute à la gorge. Touvenel assiste à cette boucherie avec dégoût, de l’autre côté des barreaux, puis se détourne de cette horreur pour pénétrer dans la chaumière.
    À peine éclairée par la porte ouverte et une modeste lucarne, la cabane révèle un fatras de tentures empilées les unes sur les autres, des sacs bourrés de vêtements, de riches manteaux en fourrure, de fines broderies, des ceintures et des bourses en cuir ouvragé. Touvenel y découvre dans un coin un incroyable entassement de plateaux d’étain, de cuillères, de couteaux de table, de poteries vernissées, de luxueux verres à vin, d’épées, de dagues et même de ciboires, de calices et d’encensoirs. « Le produit de ses rapines dans les châteaux et les églises, se demande le chevalier, ou la cache d’un simple receleur ? ».
    De la pointe de sa dague, il fait sauter la serrure d’un petit coffre. Il y trouve des rouleaux de parchemin couverts d’écritures et décorés de superbes enluminures, des textes sacrés dérobés dans des monastères, sans doute destinés à de riches amateurs. Il met aussi la main sur un petit sac de cuir, dont il extrait un morceau d’os noué d’un ruban écarlate. Dessus, il peut lire une inscription en latin : «  San Michaelis  » : une relique sainte ! Il retourne avec dégoût une paillasse puante posée sur un châlit dans lequel est pratiquée une petite trappe, Touvenel découvre une poignée de deniers d’argent, deux colliers de perles et trois broches en or qu’il enfourne dans sa besace.
    Ressorti de la chaumière, il détache son cheval de l’arbre où il l’avait laissé, et jette un dernier regard sur la dépouille sanguinolente de Germain, dépecée par ses chiens.
    — Tu auras eu la sépulture de tes méfaits. Salue le Diable de ma part, quand tu le rencontreras !
     
    — Plus vite ! Creusez, creusez ! ordonne Touvenel aux deux paysans livides d’effroi, qui transpirent à leur peine.
    Il les a réquisitionnés au village de Limoux, en leur faisant miroiter une pièce d’argent en échange de leur travail et de leur silence. Surtout leur silence, car c’est bien à un sacrilège qu’il les force. Déterrer un mort dans un village chrétien, même si cet homme fut abominable pendant son existence, cela vaut aux yeux de l’évêché tout au moins un procès devant les autorités ecclésiastiques, sinon le bûcher.
    Au village de Limoux, Touvenel s’est enquis de l’existence du nommé Roland de Carnule. On lui a répondu ne pas l’avoir vu depuis longtemps. Avait-il disparu pour aller commettre ses forfaits ailleurs, ou était-il mort ? En amadouant le nouveau clerc, un jeune nouvellement tonsuré et accommodant, il a pu consulter les archives de la paroisse. Il y a trouvé que le sieur Roland de Carnule, originaire du village du même nom, avait quitté le monde des vivants à la suite d’une fièvre maligne, aux Pâques de l’année précédente, et qu’on l’avait inhumé avec les sacrements dans le petit cimetière bordant le chemin des Genêts, à un quart de lieue du centre de Limoux. Un simple tumulus surmonté d’une croix de bois. Il pourrait le retrouver, en sachant qu’il se trouvait à deux pas du rang des sarcophages des chevaliers templiers.
    — Encore un effort, nous y sommes ! constate Touvenel, à un heurt de la pelle contre un objet dur encore invisible. Allez, manants, méritez votre gage !
    Une dizaine de pelletées plus tard, la fosse est dégagée. En se penchant, Touvenel aperçoit le corps d’un homme de grande taille en état de décomposition, enterré dans un simple linceul de gros drap.
    Aux deux paysans, remontés horrifiés du trou, il demande :
    — Donnez-moi votre miséricorde.
    Tous deux se signent dans sa direction. Touvenel dégaine sa dague et

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