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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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d’aller voir dans le quartier des banquiers.
    Le chevalier s’y rend, en passant par la place du Pilori, où une jeune femme condamnée pour adultère, les chevilles, les poignets et la tête entravés dans un carcan de bois, supporte stoïquement les injures de la populace. « Avec ce soleil brûlant, elle ne pourra pas tenir plus de trois jours », se désole-t-il en jetant un regard méprisant vers ceux qui la harcèlent de crachats et de jets de fruits pourris.
     
    — C’est bien toi, Baruch ? s’exclame Touvenel en entrant dans une échoppe dont l’enseigne porte le dessin d’un anneau d’or. J’ai du mal à te reconnaître, tant la fortune t’a changé.
    L’homme relève la tête du plateau vernis de l’établi sur lequel il vient de sertir un collier d’or et de pierres précieuses.
    — Vous, monseigneur !
    — Il paraît que c’est moi, en effet ! confirme le chevalier en souriant au joaillier. Cela m’étonne chaque jour davantage d’être encore là, Baruch. Mais je dois bien me rendre à l’évidence.
    Touvenel prend dans sa main le collier que l’homme sertissait et fait jouer dessus les reflets des chandelles. L’endroit, confortable, égayé de quelques meubles orientaux et de miniatures peintes, reste tout aussi sombre que les autres échoppes. Pour mieux admirer le collier, Touvenel sort quelques instants dans la ruelle, sur le pas de la porte, sans que le joaillier tente un geste pour récupérer son précieux bien.
    — Belle pièce ! lui dit-il en le lui rendant. De quel aloi est-elle ?
    — À peu près vingt carats, monseigneur.
    — C’est le bon alliage, acquiesce le chevalier.
    Son regard se perd vers le fond de la ruelle, où il croit revoir dans un rai de lumière, au croisement d’une rue plus large entre deux encorbellements de balcons, une silhouette de femme qui ressemble à Esclarmonde.
    — Si elle vivait encore ! laisse-t-il échapper. Aujourd’hui, tu vois, Baruch, je n’aurais pas de quoi te le payer.
    Devant l’étonnement du petit homme, il précise :
    — Pas plus que je ne peux te rembourser mes dettes. L’argent que tu m’as prêté sur le gage de mon château pour financer mon expédition en Terre sainte s’est envolé en fumée.
    La mine de Baruch s’assombrit.
    — Il n’est pas juste que je perde tout, monseigneur. Vos croisades ne nous ont jamais concerné. Nous, les juifs, nous nous entendons très bien avec les musulmans.
    — Je le sais, murmure Touvenel, tourmenté à l’idée de ne pouvoir tenir ses engagements.
    — Et votre château ?
    — Envolé en fumée, comme ton argent.
    Devant la stupeur du joaillier, Touvenel détache de sa ceinture la petite bourse donnée par Constance, l’ouvre et la renverse sur l’établi.
    — Prends toujours ça, c’est tout ce que j’ai.
    Au regard que jette Baruch sur les quelques pièces d’argent, Touvenel peut lire sa déception.
    — C’est bien peu.
    — J’en conviens, admet Touvenel. Je n’étais déjà pas riche, je suis devenu pauvre.
    Le prêteur sur gages détaille la tenue du chevalier confectionnée dans l’atelier de Constance.
    — Pourtant, monseigneur, bliaud de lin, surcot en drap des Flandres, ceinture de cuir de Cordoue, bourse aragonaise, chausses sur mesure, bottes en cuir de veau ! Vous ne me paraissez pas dans le besoin.
    — Comme toi, se moque Touvenel. Je te trouve même grassouillet à souhait, dans ta tunique de beau drap.
    Baruch ignore la remarque et insiste.
    — N’auriez-vous point rapporté avec vous au moins quelques besants d’or ?
    — Je ne suis pas allé en Terre sainte pour piller comme un soudard. Ni pour ouvrir un comptoir commercial de plus, comme un Vénitien !
    — Au moins, quelques pierreries, alors. Ou quelques bijoux ?
    — Tout ce que j’avais, on me l’a volé sur le chemin du retour, en Provence. Des routiers, des anciens croisés comme moi.
    — Pas même une ou deux reliques ? Elles sont fort cotées, en ce moment.
    — Des reliques, moi ?
    Il éclate de rire, puis se reprend.
    — Pour te consoler, glisse-t-il à l’oreille de Baruch, pense que ton Dieu, qui ressemble comme deux gouttes d’eau au mien, a sans doute voulu t’éprouver, comme moi, et qu’il nous en saura gré au moment du grand passage.
    — M’éprouver, moi, monseigneur ! Quel crime ai-je donc commis ?
    — Imagine que j’aille devant l’évêque et que je te dénonce pour pratiquer l’usure. Qu’on sache sur la

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