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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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lui, semblait un reste des anciens temps. On voyait qu’il avait l’âme agitée par de violents chagrins ; mais son front martial et son air imposant commandaient le respect aussi bien que la pitié. Les deux autres juges étaient des officiers des troupes des colonies orientales qui occupaient les forteresses de West-Point et les défilés voisins. Ils avaient atteint l’âge moyen de la vie ; on eût cherché en vain dans leurs traits l’expression d’une passion ou d’une émotion qui fût un signe de la faiblesse humaine. Leur physionomie était grave, sérieuse et réfléchie ; on n’y voyait pas cet air de dureté et de férocité qui repousse, mais on n’y remarquait pas davantage ce regard d’intérêt et de compassion qui attire. C’étaient des hommes qui depuis longtemps n’avaient agi que d’après les conseils de la raison et de la prudence, et dont tous les sentiments paraissaient habitués à se soumettre entièrement à leur jugement.
    Placé entre deux hommes armés, Henry Wharton fut amené devant ces arbitres de son destin. Un silence profond et imposant suivit son arrivée, et Frances sentit son sang se glacer dans ses veines. Dans les apprêts faits pour instruire cette affaire, il n’y avait aucune pompe extérieure qui pût frapper son imagination ; mais toute cette scène avait un air si sérieux et si glacial qu’il lui semblait que son propre destin était soumis au jugement de ces trois hommes. Deux des juges, avec un air de réserve et de gravité, fixaient des yeux perçants sur celui qu’ils allaient condamner ou absoudre : mais le président regardait autour de lui ; tous les muscles de son visage en mouvement avaient une agitation étrangère à son âge et à sa profession. C’était le colonel Singleton. Il n’avait appris que la veille la mort de sa fille ; mais sa fierté militaire n’avait pas cru que cette circonstance pût le dispenser de s’acquitter d’un devoir que sa patrie lui imposait. Enfin il fut frappé du silence général, et de l’attente qu’il voyait dans tous les yeux, et faisant un effort pour se recueillir, il dit, avec le ton d’un homme habitué au commandement :
    – Faites avancer le prisonnier.
    Les sentinelles baissèrent la pointe de leurs baïonnettes devant les juges, et Henry Wharton s’avança d’un pas ferme au centre de l’appartement. La curiosité générale et l’intérêt de tous les spectateurs étaient alors à leur comble, et Frances se retourna un instant avec une émotion de reconnaissance en entendant derrière elle le bruit de la respiration pénible et troublée de Dunwoodie. Mais toutes ses pensées, toutes ses sensations se concentrèrent bientôt sur son frère. Au bout de la salle étaient rangés tous les habitants de la ferme où se tenait la cour martiale, et derrière eux on voyait une ligne de visages d’ébène, parmi lesquels figurait celui de César Thompson.
    – On dit, continua le président, que vous vous nommez Henry Wharton, et que vous êtes capitaine dans le 60 e régiment d’infanterie de Sa Majesté Britannique.
    – Le fait est vrai, répondit Henry.
    – J’aime votre candeur, Monsieur, elle annonce les sentiments honorables d’un soldat, et ne peut manquer de produire une impression favorable sur vos juges.
    – Il serait à propos, dit un des autres juges, d’avertir le prisonnier qu’il n’est tenu de répondre aux questions qui lui seront faites qu’autant qu’il jugera que ses réponses ne peuvent fournir des armes contre lui. Quoique nous soyons une cour martiale, nous reconnaissons les principes professés à cet égard par tous les gouvernements libres.
    L’autre juge fit un signe d’approbation, et le président, ayant donné l’avertissement convenable au prisonnier, prit les papiers qui étaient devant lui.
    – Vous êtes accusé, dit-il, d’avoir, étant officier au service de l’ennemi, passé, le 29 octobre dernier, les piquets de l’armée américaine dans les Plaines-Blanches, sous un déguisement, ce qui vous rend suspect de vues hostiles aux intérêts de l’Amérique, et vous soumet aux peines prononcées contre les espions.
    Le ton doux mais ferme de la voix du président, lorsqu’il répéta lentement la substance de cette accusation, alla jusqu’au cœur de la plupart de ceux qui l’écoutaient. Le fait était si clair, si simple, les preuves si évidentes, la peine si bien prononcée par la loi militaire, qu’il semblait

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