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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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frère ?
    Le vétéran lutta contre une violente émotion, et il ne la subjugua qu’en laissant échapper un profond gémissement. Il jeta autour de lui un regard de fierté comme pour s’applaudir de sa victoire ; mais cette victoire ne fut que momentanée, et son émotion triompha. Sa tête blanchie par soixante-dix hivers tomba sur l’épaule de la jeune fille qui le suppliait avec l’énergie du désespoir. Le sabre qui avait été son compagnon dans tant de combats lui échappa des mains, et il s’écria :
    – Que Dieu vous en récompense ! et il ne put retenir ses sanglots.
    Le colonel Singleton fut assez longtemps à se remettre de son agitation. Lorsqu’il l’eut maîtrisée, il remit Frances, qui avait perdu connaissance, entre les bras de sa tante, et se tournant vers ses collègues avec un air de résolution, il leur dit :
    – Messieurs, nous avons maintenant à nous acquitter de nos devoirs comme militaires, nous pourrons ensuite nous livrer à nos sentiments comme hommes. Que décidez-vous relativement au prisonnier ?
    Un des juges lui remit en main un projet de sentence qu’il avait préparé, tandis que le colonel était occupé avec Frances, en lui disant qu’il contenait son opinion et celle de leur collègue.
    Il portait brièvement que Henry Wharton avait été arrêté déguisé, en traversant comme espion les lignes de l’armée américaine ; que, conformément aux lois de la guerre, il avait encouru la peine de mort, et qu’en conséquence la cour le condamnait à être pendu le lendemain à neuf heures du matin.
    Il était d’usage de n’exécuter la sentence de mort même rendue contre un ennemi qu’après qu’elle avait été revêtue de l’approbation du général en chef, ou, quand il était trop éloigné, de l’officier-général qui le remplaçait. Mais comme Washington avait alors son quartier-général à New-Windsor sur la rive occidentale de l’Hudson, on pouvait aisément recevoir sa réponse bien avant l’heure indiquée.
    – Le délai est bien court ! dit le colonel en tenant en main une plume, comme s’il n’eût su ce qu’il devait en faire. Pas un jour pour qu’un si jeune homme puisse faire sa paix avec le ciel !
    – Les officiers de l’armée royale, dit un des juges, n’ont donné à Hale {40} qu’une seule heure {41} . Nous avons étendu le terme ordinaire. Au surplus Washington a le droit d’accorder un sursis, et même de faire grâce.
    – J’irai donc la solliciter moi-même, dit le colonel en signant la sentence, et si les services d’un vieux soldat, si les blessures de mon fils ont quelques droits sur lui, je sauverai ce malheureux jeune homme.
    À ces mots, il partit plein d’intentions généreuses en faveur de Henry Wharton.
    La sentence fut signifiée au prisonnier avec tous les égards convenables, et après avoir donné les instructions nécessaires à l’officier chargé du commandement, et avoir dépêché un courrier au quartier-général pour y porter leur sentence, les deux autres juges montèrent à cheval et retournèrent chacun à leur corps avec l’air impassible et la froide intégrité qu’ils avaient montrés pendant toute l’instruction du procès.

CHAPITRE XXVII
    N’avez-vous pas encore envoyé le contre-ordre ? Claudio sera-t-il exécuté demain ?
    SHAKESPEARE.
    Après que la sentence du conseil de guerre eut été signifiée au prisonnier condamné, il passa quelques heures dans le sein de sa famille. M. Wharton, ayant perdu le peu de courage et d’énergie qui lui restait, pleurait comme un enfant sur le sort funeste de son fils. Frances, après être sortie de son état d’anéantissement, éprouvait une angoisse de douleur auprès de laquelle l’amertume de la mort n’aurait été rien. Miss Peyton conservait seule un rayon d’espérance, ou du moins assez de sang-froid pour réfléchir sur ce qu’il était possible de faire en pareille circonstance. Mais si elle semblait jouir d’une apparence de calme, ce n’était pas qu’elle ne prît un intérêt bien vif au sort de son neveu ; c’était parce que quelques motifs d’espoir se présentaient à son esprit, et ils étaient fondés sur le caractère de Washington. Tous deux étaient nés dans la même colonie, et quoiqu’elle ne l’eût jamais vu, tant parce qu’il avait embrassé de bonne heure la profession des armes qu’à cause des fréquentes visites qu’elle rendait à sa sœur et des soins qu’elle avait

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