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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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aucune partie vitale. Mais les soldats du capitaine Lawton frappent à tort et à travers ; ils séparent la jugulaire ou mettent le cerveau à découvert, et ces blessures sont fort difficiles à guérir, parce que, pour l’ordinaire, le patient est mort avant que le chirurgien ait le temps d’arriver. Je n’ai jamais réussi qu’une fois à mettre en sa place la cervelle d’un homme, quoique je l’aie essayé sur trois aujourd’hui. Sur le champ de bataille, je ne manque jamais de reconnaître l’endroit où le corps du capitaine Lawton a chargé.
    Le groupe qui entourait le lit du blessé était trop accoutumé aux manières du chirurgien en chef pour l’interrompre dans son soliloque, ou pour lui répondre ; l’on attendait tranquillement le moment où il commencerait son examen. Il arriva enfin. Dunwoodie, les yeux fixés sur ceux du docteur, tenait en silence entre ses mains une de celles du patient. Enfin, une plainte échappa à Singleton, et le docteur dit tout haut en se levant avec vivacité :
    – Ah ! il y a du plaisir à suivre dans le corps humain les progrès d’une balle qui semble y avoir circulé de manière à éviter toutes les parties vitales ; mais quand le sabre du capitaine Lawton…
    – Eh bien ! dit Dunwoodie, d’une voix à peine articulée, parlez donc ! Y a-t-il quelque espoir ? Pouvez-vous trouver la balle ?
    – Il n’est pas difficile de trouver ce qu’on tient dans la main, major, répondit le docteur en lui montrant la balle. Et tout en apprêtant l’appareil : elle a pris une route, ajouta-t-il, que ne prend jamais le sabre du capitaine Lawton, malgré toutes les peines que je me suis données pour lui apprendre à le manier scientifiquement. Croiriez-vous bien que j’ai vu aujourd’hui, sur le champ de bataille, un cheval dont la tête était presque séparée de son corps ?
    – Ce coup était de ma façon, dit Dunwoodie avec un regard d’espoir renaissant qui rappela le sang sur ses joues ; c’est moi qui ai tué ce cheval.
    – Vous ! s’écria le chirurgien, laissant tomber son appareil de surprise. Vous ! mais vous saviez que c’était un cheval ?
    – J’avoue que j’en avais quelque soupçon, répondit le major en approchant un breuvage des lèvres de son ami.
    – De tels coups portés au corps humain sont toujours funestes, continua le docteur, ils déjouent tous les efforts de la science. Ils sont inutiles dans une bataille, car le point important, c’est de mettre son ennemi hors de combat. Combien de fois, major, après une escarmouche commandée par le capitaine Lawton, ai-je parcouru le champ de bataille dans l’espoir de trouver quelque blessure qu’il serait honorable de guérir ! Mais non, rien que des égratignures ou des coups mortels ! Ah ! major Dunwoodie, dans une main sans expérience le sabre est une arme terrible ! Que de temps j’ai perdu pour faire sentir cette vérité au capitaine Lawton !
    Le major impatient lui montra son ami en silence, et le docteur, mettant un peu plus de vivacité dans ses mouvements, ajouta :
    – Ah ! le pauvre George ! on peut dire qu’il l’a échappé belle, mais il fut interrompu par un exprès qui vint annoncer au major que sa présence était nécessaire sur le champ de bataille. Dunwoodie serra la main de son ami, et fit signe au docteur de le suivre.
    – Qu’en pensez-vous ? lui demanda-t-il en entrant dans le corridor ; croyez-vous qu’il guérisse ?
    – Il guérira, répondit laconiquement le docteur en tournant sur le talon pour rentrer dans la chambre.
    – Dieu soit loué ! s’écria Dunwoodie en descendant l’escalier.
    Avant de partir, il entra un instant dans le salon où toute la famille était réunie. Le sourire avait reparu sur ses lèvres, et s’il fit ses compliments à la hâte, ce fut avec cordialité. Il ne parla ni de l’évasion de Henry Wharton, ni de l’événement qui l’avait rendu prisonnier une seconde fois, et il eut l’air de croire que le capitaine était resté où il l’avait laissé avant le combat. Ils ne s’étaient pas rencontrés pendant l’action. Le jeune Wharton se retira près d’une croisée en silence et avec un air de hauteur, et laissa le major s’adresser sans interruption au reste de la famille.
    L’agitation qu’avaient produite dans les deux sœurs les événements de cette journée avait fait place à une langueur qui les retenait toutes deux en silence, et ce fut miss Peyton qui adressa

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