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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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leur chambre que des vases de belle porcelaine. Sara ne s’avouait certainement pas la préférence qu’elle avait accordée à l’officier anglais, mais il est également certain que, sauf la douleur de ses meurtrissures, Lawton se serait fort peu inquiété du lit et des vases, pourvu que le breuvage fût à son goût, car il était habitué à se coucher tout habillé, et même de temps en temps à passer la nuit en selle. Après qu’il eut pris possession d’une petite chambre, où rien ne manquait d’ailleurs de ce qui pouvait la rendre commode, le docteur Sitgreaves lui demanda où était le siège du mal dont il se plaignait, et il commençait déjà à lui passer la main sur le corps, quand le capitaine s’écria d’un ton d’impatience :
    – Pour l’amour du ciel, Sitgreaves, jetez de côté cette maudite scie ! La vue m’en glace le sang dans les veines.
    – Capitaine Lawton, répondit le docteur, il est inconcevable qu’un homme qui a exposé sa vie et ses membres dans tant de combats, soit effrayé de la vue d’un instrument si utile.
    – Le ciel me préserve de faire l’épreuve de son utilité ! répliqua Lawton en frémissant.
    – Sûrement vous ne fermeriez pas les yeux aux lumières de la science, reprit l’opérateur incorrigible ; vous ne refuseriez pas le secours du chirurgien parce que cette scie pourrait devenir nécessaire ?
    – Je le refuserais.
    – Vous le refuseriez ?
    – Oui. Vous ne me dépècerez jamais comme un quartier de bœuf, tant que j’aurai la force de me défendre. Mais voyons ; le sommeil me gagne ; quelqu’une de mes côtes est-elle brisée ?
    – Non.
    – Tous mes os sont-ils en bon état ?
    – Oui.
    – Mason, avancez-moi cette bouteille. Et ayant bu un grand verre de vin, il tourna le dos à ses deux compagnons d’un air fort délibéré, en leur criant d’un ton de bonne humeur : – Bonsoir, Mason ! bonne nuit, Galien.
    Le capitaine Lawton avait un profond respect pour les connaissances chirurgicales du docteur Sitgreaves ; mais il était d’un scepticisme complet à l’égard des remèdes médicinaux dont l’effet doit opérer intérieurement. Il disait souvent qu’un homme qui avait l’estomac plein, le cœur ferme et la conscience nette, devait braver le monde et toutes ses vicissitudes. La nature lui avait accordé la fermeté du cœur ; et quant aux deux autres points qui lui paraissaient nécessaires pour compléter la prospérité humaine, la vérité veut que nous ajoutions qu’il tâchait aussi de n’avoir pas de reproche à se faire. Une de ses maximes favorites était que les dernières parties du corps humain que la mort attaquait étaient d’abord la mâchoire et enfin les yeux ; d’où il concluait que la diète était contre nature, et que les yeux devaient veiller à ce qu’il n’entrât dans le sanctuaire de la bouche que ce qui pouvait lui être agréable.
    Le chirurgien, qui connaissait parfaitement les opinions du capitaine, jeta sur lui un regard de commisération, tandis que Lawton lui tournait le dos très-cavalièrement ainsi qu’à Mason. Il replaça dans sa boîte officinale quelques fioles qu’il en avait tirées, fit brandir sa scie sur sa tête avec un air de triomphe, et, sans daigner dire un seul mot au capitaine, alla faire une visite à l’officier installé dans la belle chambre. Mason s’apprêtait à souhaiter le bonsoir à son capitaine, mais s’apercevant à sa respiration qu’il était déjà endormi, il se hâta d’aller prendre congé des dames, remonta à cheval et partit au galop pour rejoindre sa troupe.

CHAPITRE X
    L’âme prête à partir s’arrête sur quelque sein affectueux ; l’œil qui se ferme demande quelques larmes d’affection, la voix de la nature crie du sein même du tombeau, et le feu qui nous a animés vit jusque dans nos cendres.
    GRAY.
    Les possessions de M. Wharton s’étendaient à quelque distance de chaque côté de la maison qu’il habitait ; mais la plupart de ses terres restaient sans culture. On voyait dans différentes parties de ses domaines quelques maisons éparses, mais elles étaient inoccupées et tombaient rapidement en ruine. La proximité des armées belligérantes avait presque banni du pays les travaux de l’agriculture. À quoi bon le cultivateur aurait-il consacré son temps et la sueur de son front à remplir jusqu’au comble des greniers que le premier parti de maraudeurs aurait vidés ? Personne ne

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