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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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nature ce ton de santé que la maladie ou un accident lui a fait perdre, il faut autre chose que de la commisération et de la bonté. Les lumières de…
    Le docteur rencontra en ce moment le regard moqueur du capitaine Lawton, qui commençait à se remettre de l’embarras que lui avait occasionné son lapsus linguae , et il perdit le fil de son discours. Il voulut pourtant le continuer.
    – Car en pareil cas, les… oui, les lumières de la science… c’est-à-dire les connaissances… qui découlent des lumières…
    – Vous disiez, Monsieur ? dit Wellmere en buvant son vin à petites gorgées.
    – Oui, Monsieur, dit Sitgreaves en tournant brusquement le dos à Lawton, je dis qu’un cataplasme de mie de pain et de lait ne guérira pas une jambe cassée.
    – Tant pis, morbleu ! tant pis ! dit Lawton, recouvrant enfin l’usage de la parole.
    – C’est à vous que j’en appelle, colonel Wellmere, continua le docteur avec un grand sérieux, à vous qui avez reçu une éducation distinguée.
    Le colonel inclina la tête avec un sourire de complaisance.
    – Vous devez avoir remarqué le ravage qu’ont fait dans vos rangs les soldats de la compagnie dont monsieur est le capitaine. Le colonel prit un air plus grave.
    – Vous devez avoir remarqué qu’à chaque coup qu’ils portaient, la vie de leur adversaire se trouvait immédiatement et irrévocablement éteinte, éteinte sans laisser la moindre ressource à toutes les lumières de la science ; que les blessures qui résultaient de ces coups offraient de telles solutions de continuité, que l’art du praticien le plus expérimenté n’aurait pu y remédier. Maintenant, Monsieur, je m’en rapporte à vous, et votre décision va me faire triompher. Répondez-moi ; votre corps n’aurait-il pas été également défait si l’on se fût contenté, par exemple, d’abattre le bras droit à vos soldats au lieu de leur fendre la tête ?
    – Votre triomphe est un peu prématuré, Monsieur, répondit le colonel offensé de la manière dont la question était posée.
    – Une conduite si peu judicieuse sur le champ de bataille fait-elle avancer d’un pas la cause de la liberté ? continua Sitgreaves sans faire attention à l’embarras du colonel, et ne songeant qu’à soutenir son principe favori.
    – Il me reste encore à apprendre, répliqua Wellmere avec vivacité, en quoi la conduite de ceux qui se trouvent dans les rangs des rebelles peut être utile à la cause de la liberté.
    – À la cause de la liberté ! répéta le docteur avec le ton de la plus grande surprise ; juste Ciel ! et pour quoi donc combattons-nous ?
    – Pour l’esclavage, répondit l’Anglais avec un air de confiance en son infaillibilité ; pour substituer la tyrannie de la populace au pouvoir légitime d’un monarque plein de bonté. Tâchez d’être du moins un peu d’accord avec vous-mêmes.
    – D’accord avec nous-mêmes ! dit le docteur étourdi d’entendre parler ainsi d’une cause qu’il était habitué à regarder comme sacrée.
    – Oui, Monsieur, d’accord avec vous-mêmes. Votre congrès de sages a publié un manifeste où il proclame l’égalité des droits politiques.
    – Et un manifeste supérieurement rédigé.
    – Je n’en attaque pas la rédaction. Mais si vos déclamations en faveur de l’égalité sont sincères, que ne rendez-vous la liberté à vos esclaves ? s’écria Wellmere d’un ton qui montrait clairement qu’il avait ramené la victoire sous ses bannières.
    Tout Américain se trouve humilié quand il est obligé de justifier son pays d’un tel reproche. Ses émotions ressemblent à celles d’un homme forcé de répondre à une accusation honteuse, quoiqu’il sache qu’elle n’est pas fondée. Au fond le docteur avait beaucoup de bon sens, et, se trouvant ainsi interpellé, il prit l’argument au sérieux.
    – La liberté consiste pour nous, répondit-il, à avoir une voix dans les conseils par lesquels nous sommes gouvernés. Nous regardons comme insupportable d’être soumis à un peuple qui vit à mille lieues de nous, et qui n’a ni ne peut avoir un seul intérêt politique commun avec les nôtres. Je ne parle pas de l’oppression ; l’enfant était majeur et avait droit aux privilèges de la majorité. Il n’existe qu’un seul tribunal auquel les nations puissent en appeler en pareil cas, celui de la force, et c’est celui auquel nous en appelons.
    – Une telle doctrine peut

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