L'Eté de 1939 avant l'orage
Davidowicz.
Cela ne peut pas rester impuni.
Incrédule, la jeune femme jugea que lâheure nâétait pas propice à une longue discussion. Elle commença par faire le tour de toutes les pièces afin de fermer les lumières. Au moment de monter, Renaud demanda à voix basse:
â Nadja tâa-t-elle raconté sa magnifique soirée?
â Non. Jâai même dû lui enlever sa robe moi-même tellement elle était épuisée. Je suppose que demain jâaurai droit à un récit détaillé.
â Jâen doute. Elle a eu la sagesse de commencer à dormir au moment de lâinoubliable discours de Camillien Houde. Si je ne lâavais pas secouée pour la ramener, je parie quâelle dormirait encore toute seule dans un stade vide.
Dans la chambre, alors quâils se dévêtaient, lâavocat demanda encore:
â Au souper, je me suis fait violence pour ne pas te demander des nouvelles du Théâtre Outremont. Tu as bien mangé avec Ãmile Chiasson ce midi?
â Oui. Je suis même allée passer une partie de lâaprès-midi au cinéma. Cette journée mâa permis dâapprendre que jâétais devenue totalement inutile. Depuis une semaine, les films ont été projetés à lâheure, la salle a été nettoyée, et les salaires payés. Tout le monde semble bien disposé à lâégard dâÃmile. Mes vacances pourraient se prolonger indéfiniment sans que cela porte à conséquence. Et dans ce cas, tu devrais cesser de me payer un salaireâ¦
Le dépit marquait sa voix. Ãtendue sur les couvertures, elle regardait Renaud avec la même mine piteuse que sa fille adoptait pour faire fléchir son père.
â Tu sais bien que ce nâest pas vrai. Ãmile sâoccupait déjà des employés du cinéma, au sujet des tâches quotidiennes. Tu tâoccupais de la gestion générale.
â Et maintenant, mon assistant paie les factures et sâoccupe de la comptabilité. Dâaprès ce que jâai vu, il se tire très bien dâaffaire.
â Dans deux semaines, tu reprendras ton travail, et lui le sien.
â Mais maintenant, la preuve est faite quâil nâa pas besoin de moi.
â Serais-tu en train de me présenter ta démission?
Virginie fit une parfaite imitation du visage quâil avait présenté à Bronfman un peu plus tôt dans la soirée quand celui-ci lui avait fait la même question, puis sâempressa de répondre:
â Non, non, pas du tout. Mais quand Ãmile retrouvera son emploi de subalterne, ce ne sera pas facile pour lui. Sans compter quâil voudra peut-être aller voir ailleurs afin dâavoir les coudées franches. Cela lui plaît sans doute, de ne plus avoir de patronne.
â Si jamais cela se produit, ce sera la meilleure démonstration de ta compétence. Car ce gigantesque collégien fâché avec tout le monde savait tout juste passer le balai et récurer les cabinets, au moment où tu lâas pris sous ton aile.
â Les choses ne pourront peut-être pas revenir exactement comme elles étaient auparavant, affirma-t-elle encore.
â Dans ce cas, nous les réaménagerons.
Tous deux sâétendirent sur le couvre-lit en prenant bien soin de ne pas se toucher. Dans la chaleur moite, tout rapprochement devenait désagréable. Aucun ne tenait à couvrir lâautre de sa sueur dans des ébats amoureux. En fait, la brise fraîche du lac des Sables leur manquait déjà .
Une bonne heure plus tard, insomniaque, Virginie murmura:
â Quand nous rentrerons à Sainte-Agathe demain, prends ton revolver avec toi. On ne sait jamaisâ¦
Cette demande traduisait bien son état dââme devant la tournure que prenaient les événements.Â
23
Une semaine plus tard, le dimanche 23 juillet, comme chaque semaine, la famille Daigle se retrouva dans la petite église de Sainte-Agathe où dominaient les bleus et les blancs soulignés dâors pour entendre la messe. Lâendroit se révélait bondé, à cause des estivants. Parce quâils ne «possédaient» pas leur propre banc, le plus souvent le trio se réfugiait à lâarrière, ce qui nâétait certainement pas plus mal pour Renaud.
M gr Jean-Baptiste Bazinet, prélat domestique et curé de la paroisse,
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