Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
du temps où les femmes se cachaient de la cheville aux cheveux et, incapables de bouger, faisaient potiches dans les salons. En attendant un retour aux jours bénis du bon vieux temps, ils traitaient, à mots à peine couverts, de garces celles qui exposaient un peu leur épiderme.
    Ce ne fut qu’au moment où ils atteignirent la maison que Nadja en arriva à son principal sujet de préoccupation:
    â€” Fran est juive.
    â€” Oui, convint son père d’une voix douce.
    â€” Pour cette raison, tous ces gens la détestent.
    â€” Viens t’asseoir derrière, maman va nous préparer quelque chose à boire.
    Virginie le regarda un peu de travers, mais accepta de se voir reléguée au travail domestique. Elle risquait de rater l’exposé de sagesse politique de son escogriffe de mari qui, à son âge, plutôt que de se soucier de sa prostate, risquait sa vie à jouer à l’espion et au détective.
    â€” Clairement, ce curé la déteste, commença Renaud quand ils eurent rejoint les chaises Adirondack. Toutefois, je ne crois pas qu’il faille conclure cela de toutes les personnes présentes à la messe. La plupart ne la connaissent pas, ils ne connaissent aucun Israélite, tout simplement. Tu te rappelles notre conversation dans le parc, à Outremont?
    La fillette resta muette un moment, puis confessa enfin:
    â€” J’étais comme eux…
    â€” Maintenant, tu sais que tu peux apprécier certains Juifs, comme Fran et ses parents, et des milliers d’autres sans doute.
    Et détester ce curé, et aussi des Juifs ou des protestants tout aussi… détestables.
    L’avocat songea que dorénavant il pourrait plus facilement manquer la messe dominicale sans provoquer une commotion chez sa fille. Pendant des années, elle s’était sérieusement inquiétée du salut de l’âme de son paternel et, sur les conseils des saintes religieuses qui lui faisaient la classe, avait prié pour le voir réintégrer sincèrement la communauté des fidèles.
    â€” Mais son rôle est d’inculquer ce qui est bien. Un prêtre…
    â€” Ce n’est qu’une personne. Son habit ne le rend pas plus sage. Tu écoutes, tu réfléchis, tu discutes, tu consultes même à propos de ce que les gens t’enseignent, et tu te crées une opinion à toi, tout simplement. Tu donnes ta confiance seulement à ceux que tu en juges dignes.
    Virginie revint avec des verres de thé glacé tout juste pour entendre son mari changer de ton et conclure:
    â€” Mais pourquoi laisser cet imbécile gâcher notre dimanche? Le mieux que nous puissions faire, c’est chasser ces sottises de notre esprit. Comme nous avons quitté la messe un peu plus tôt aujourd’hui, nous pourrons chercher un restaurant plus loin.
    La perspective d’une longue balade en auto, sous les arbres et très souvent sur des routes longeant des lacs, ramena un sourire sur son visage.
    â€” Dans un autre ordre d’idées, reprit Renaud après une pause, nous devons signifier à notre propriétaire si nous souhaitons garder la maison deux mois de plus. Notre entente se terminera dans un peu plus de deux semaines.
    â€” … Sommes-nous obligés de répondre tout de suite? questionna sa femme.
    â€” Pas vraiment. Le propriétaire doit nous donner la priorité. S’il reçoit une autre offre, il nous demandera si nous entendons rester.
    â€” Nadja, que dirais-tu si nous attendions de voir la suite des événements, avant de décider? Jusqu’à dimanche prochain, ou même le suivant?
    La gamine acquiesça aux paroles de sa mère d’un signe de tête.

    Le lendemain, Georges Farah-Lajoie téléphonait à Sainte-Agathe pour solliciter un rendez-vous avec Renaud. Celui-ci, pour s’éviter une séance d’équitation, se montra tout à fait disponible. Aussi s’entendirent-ils pour se rencontrer dès mardi, vingt-quatre heures plus tard, pour un repas au restaurant de Belson, rue Saint-Vincent.
    Quand ils se retrouvèrent assis de part et d’autre d’une banquette, l’enquêteur demanda, goguenard:
    â€” Vous recevez les journaux de la grande ville, dans votre petit village?
    â€” Bien sûr, sauf que je trouve ceux du matin au milieu de la matinée et ceux de la veille au soir, comme La Patrie ,

Weitere Kostenlose Bücher