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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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personnes venues l’écouter rentrer bredouilles. Au moment du sermon, l’ecclésiastique dénicha un micro dans les plis de sa soutane pour s’adresser à ses ouailles. Une demi-douzaine de haut-parleurs distribués dans l’enceinte diffusaient sa voix de façon très efficace: personne ne perdait un mot.
    Pour faire le bilan de son action, ou plutôt pour être certain que les journalistes en rendent bien compte – il prit le soin de leur intimer dès le début du sermon de «ne jamais publier des choses qui n’existent pas, rapporter des paroles qui ne sont pas les nôtres» –, l’homme de Dieu passa en revue les motifs religieux et politiques qui l’animaient. Tout d’abord, il convenait d’étaler ses raisons:
    â€” J’ai entrepris la présente campagne pour la gloire de Dieu et de son Église et pour l’intérêt de notre paroisse. Je l’ai entreprise pour le développement de notre vie morale, sociale et économique.
    Puis il entendit se coiffer lui-même de la couronne du martyr:
    â€” Je remercie les personnes qui prient la Providence de me rendre la santé. Tout ce que je fais dans cette lutte n’est nullement inspiré par la haine. Il ne se trouve pas de place pour la haine dans un cœur sacerdotal.
    Â«Le vieux salaud, songea Renaud. Le voilà qui s’élève au-dessus du commun des mortels, se drape dans sa soutane et nous assène sa grandeur d’âme.»
    â€” Des Juifs ont dit que j’étais cruel, que j’étais haineux et que j’étais méchant. Je ne pouvais m’attendre à être mieux traité que ne le fut le Christ.
    Cette fois, le prélat reprenait mine de rien la vieille accusation de déicide. Ceux qui avaient tué le Sauveur se permettaient de l’accuser de cruauté! Après s’être donné comme une incarnation divine, celui qui portait si bien le prénom de Jean-Baptiste – tout comme son vicaire, d’ailleurs –, se présentait comme celle de la race.
    â€” Nous sommes chez nous. Nous voulons demeurer chez nous et rester maîtres chez nous. Nous devons garder jalousement le patrimoine de nos ancêtres. Nous ne pouvons laisser partir une partie de l’héritage. Nous ne pouvons laisser une partie de l’héritage qu’ils nous ont légué.
    Pendant quelques minutes, M gr Bazinet continua encore, alors que des scribes prenaient soigneusement en note ses paroles. Renaud Daigle se cramponnait au bras du banc où il prenait place pour résister de toutes ses forces à l’envie de se lever pour crier «Sale raciste hypocrite». Le prélat termina en demandant à l’assistance de se rendre dans le cimetière derrière l’église, la «ville des morts», afin de lancer un appel aux ancêtres, de prendre conseil auprès d’eux. Irait-il jusqu’à évoquer les héros du Long-Sault faisant un rempart de leurs corps contre les hordes barbares? M gr Bazinet se retint.

    Le retour de vacances du délégué du Procureur général à Montréal se révéla infernal pour Georges Farah-Lajoie, mais sa situation personnelle lui interdisait totalement de refuser du travail: tant pis pour la petite enquête de Renaud Daigle.
    Le magistrat, sur les plages d’Old Orchard, s’était absorbé dans les pages des journaux à sensation américains. Une sombre histoire de fraude à l’encontre de compagnies d’assurance-vie, qui avait fait trente-quatre victimes, avait particulièrement impressionné le pauvre homme. Résultat: une douzaine de décès tout à fait naturels faisaient l’objet d’un complément d’enquête. L’ex-policier ne jouissait plus d’une minute à lui.
    Pour la troisième fois, à la fin de la matinée du dimanche 6 août, tout de suite après le retour de la voisine d’Arden Davidowicz de la messe, le détective se tenait dans le petit salon de celle-ci, rue Davaar, avec l’espoir que ce serait sa dernière visite. Sur la table basse qui se trouvait au milieu de la pièce, il disposa quatre photographies grand format de Myriam Davidowicz. Les deux premières montraient la jeune femme des pieds à la tête.
    â€” Voilà pourquoi vous me demandiez si la mystérieuse visiteuse était enceinte. Cette personne

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