L'Eté de 1939 avant l'orage
exécution.
â La porte nâa pas été forcée?
â Non. De toute façon, son mari possède la clé, ajouta le policier avec un sourire en coin. Pourquoi aurait-il défoncé?
â Pourtant, dâaprès ce que vous me dites, un autre scénario sâimpose à mon esprit. Quelquâun a sonné, elle est venue ouvrir, a invité son visiteur à la suivre dans le salon.
Puis «bang», le coup de feu alors quâelle tournait le dos à son agresseur.
â Vous lisez des romans policiers? Moi, jâenquête sur de vrais crimes.
â Et le viol?
à ce sujet, lâavocat extrapolait à partir des confidences dâÃlise. Bien sûr, cela cadrait mal avec la culpabilité du mari.
Le policier lui adressa une grimace, troublé par le souvenir.
Quand il répondit, son ton avait un peu changé:
â Je ne pense pas quâil y ait eu viol.
â Pourtant, ce que jâai entendu semble lâindiquerâ¦
â Vous êtes très bien informé. Les journaux nâont rien publié à ce sujet. Qui vous a entretenu de cela?
â Davidowicz a communiqué avec quelquâun, qui mâa parlé à son tour. Quâavez-vous vu sur place?
Renaud préférait faire lâéconomie des interprétations du capitaine pour se renseigner plutôt sur les faits.
â La femme se trouvait sur le dos, la robe retroussée jusquâà la poitrine. La culotte était déchirée, coupée. Elle avait reçu des coups de couteau près du sexe. Placée comme elle lâétait, avec le sous-vêtement, ou ce qui en restait, encore sur elle, je ne pense pas que quelquâun lâait violée. Encore une fois, lâautopsie nous le confirmera.
â Mais son agresseur lâa poignardée dans la région du vagin.
â Oui, et pas seulement cela. Elle avait une croix cassée tracée sur lâabdomen, avec une lame.
â Cassée? Vous voulez dire «gammée»?
Le policier lui adressait un regard intrigué. Renaud chercha une feuille de papier et dessina le symbole nazi.
â Oui, cela ressemblait à cela.
â Vous avez trouvé le couteau?
â Oui, il a été pris dans la cuisine.
Cet aspect du crime semblait donner raison à Ãlise: une croix gammée esquissée sur le ventre avec une lame, comme une signature. Impossible dâimaginer quâun époux de religion juive lâavait tracée, fût-il adultère!
â Quand avez-vous arrêté mon client?
â â¦
â Arden Davidowicz. Lâaccusé.
â Le suspect.
Renaud se félicita que le policier sache la différence.
Outremont abritait de nombreux avocats prospères, même les constables devaient posséder des notions de droit.
â Hier, en début dâaprès-midi.
â Mais pourquoi?
â Ce sont toujours les maris, les coupables, dans des histoires comme cela. Nous craignions de le voir disparaître.
Les Juifs voyagent beaucoup, connaissent des gens partout dans le monde.
Encore un peu et le capitaine aurait parlé de lâInternationale juiveâ¦
â Vous avez trouvé une arme, à part le couteau, je veux dire? Un motif?
â Lâenquête nâest pas terminée. Nous avons le temps.
â Il ne servait à rien de lâarrêter. Actuellement, vous ne détenez aucune preuve, seulement votre conviction que les maris sont toujours coupables.
Lâenquêteur ne répondit pas. Des facteurs politiques avaient bien pu inspirer le zèle policier. Maurice Duplessis, le premier ministre de la province et chef de lâUnion nationale, agissait aussi à titre de Procureur général du Québec.
Ultimement, lui seul déciderait si cet homme serait soumis à un procès. Dans le bras de fer qui lâopposait aux libéraux, un député accusé de meurtre pouvait amener une petite satisfaction. Dâun autre côté, le service de police se trouvait aussi soumis à lâintervention du ministre fédéral de la Justice.
Cette enquête-là ne se déroulerait pas dans une atmosphère sereine!
â Jâaimerais parler à monsieur Davidowicz, déclara Renaud.
â Il se trouve à la prison de Bordeaux. Nous nâavons pas vraiment de cellules ici, seulement des pièces où des fêtards peuvent dessoûler un peu avant de
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