L'Eté de 1939 avant l'orage
à sa place grossièrement. La poitrine révélait une longue incision en «Y», dont la branche la plus grande atteignait lâos pubien.
â Voyez les coups de poignard.
Sur le pubis rasé, la peau portait une demi-douzaine dâestafilades, causées par la pointe dâun couteau.
â Câest peu profond, fit remarquer Renaud.
â Un quart ou un demi-pouce, pas plus.
Comme si les coupures avaient été effectuées par une personne hésitante, ou dégoûtée par ce quâelle faisait. Rien qui témoignât dâune haine aveugle. Sur le ventre de la femme, une croix gammée avait été tracée maladroitement de lâextrémité de la lame. Encore là , lâépiderme était tout juste fendu.
Le coupable ne voulait pas trancher dans la chair.
â Aucune autre marque de violence? questionna lâavocat.
â Aucune, si ce nâest une éraflure au front. Cette femme devait se tenir debout au moment de recevoir la balle dans la nuque. Le coup fut tiré à bout portant, la peau montre une petite brûlure circulaire. Elle nâa sans doute rien vu venir, elle est tombée comme un sac de pommes de terre, sa tête a donné sur quelque chose de dur. Une très belle mort, au fond, conclut le médecin.
â Mais qui lui est venue bien jeune, fit observer le policier. Trente-cinq ans.
Le pathologiste acquiesça dâun signe, puis continua:
â Et après, lâassassin est allé chercher un couteau à la cuisine, lâa mise sur le dos, lâa troussée, lui a porté quelques coups sans conviction après avoir tailladé sa culotte. Puis la croixâ¦
â Cette histoire nâa aucun sens, interrompit lâavocat, de lâimpatience dans la voix.
Bien sûr, les événements avaient pu se passer comme le praticien le prétendait. Mais pourquoi? Les meurtres avaient toujours un mobile.
â Le mari arrive, entre, son épouse lui tourne le dos, il la tue. Rien de bien mystérieux là -dedans, répondit le policier.
â Bravo inspecteur, ironisa Renaud. Ensuite il va chercher le couteau et lui taillade le sexe. Pourquoi faire cela à sa conjointe?
â Peut-être quâelle se refusait à lui, suggéra le médecin. Ou alors, il était impuissantâ¦
«Bon, en voilà un qui a lu Freud», pensa son interlocuteur, amusé. à haute voix, il continua:
â Puis il lui trace une croix gammée sur le ventre. Un Juif qui tue sa femme et lui grave le symbole des nazis dans la chair, cela vous paraît plausible?
â ⦠Il est peut-être fou, proposa le policier, ou il veut faire croire que ce sont les fascistes qui ont commis ce crime.
Une ruse pour détourner notre attention.
â Mais cet homme a reçu des menaces de mort des fanatiques de la droite à de nombreuses reprises. Jâai des lettres dans mon sac.
Le capitaine Tessier marqua une pause, puis déclara:
â Il faut me les laisser.
â Tout à lâheure. Quelle preuve possédez-vous de sa responsabilité, à part la conviction que les maris se révèlent toujours coupables?
â Cette femme fut tuée dimanche, vers cinq ou six heures. Son époux la «découvrit» le lendemain matin, mais il refuse de nous confier où il se trouvait au moment du meurtre, où il a passé la nuit. Une question dâhonneur, mâa-t-il dit. Sâil ne sâagissait pas dâun député libéral, personne ne douterait de sa culpabilité.
Bien sûr, pour ne pas trahir sa maîtresse, lâhomme se taisait. Ce genre de logique imbécile convaincrait-elle le policier? Pour le savoir, Renaud devrait dâabord faire entendre raison à ce foutu député!
â Vous pouvez me ramener à Outremont? réclama Renaud dâun ton plus modéré.
â Entendu, cela vous donnera lâoccasion de me remettre ces fameuses lettres.
Dix minutes plus tard, alors quâils roulaient vers le nord, lâavocat demanda encore:
â Vous avez fouillé la maison?
â Certainement, pour trouver lâarme du crime.
â Et puis?
â Rien, je vous lâai dit hier.
â Jâaimerais y jeter un coup dâÅil.
â Pour refaire mon travail? Je sais comment effectuer une fouille.
Lâautre trahissait une colère difficilement contenue. Mieux valait calmer le
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