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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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rentrer chez eux.
    L’arrestation paraissait hâtive et peu fondée, l’emprisonnement dans ce pénitencier cruel pour un simple prévenu sur lequel les preuves ne pesaient pas bien lourd. Outre l’intervention politique, peut-être avait-on voulu montrer à la populace que la justice s’appliquait dans toute sa rigueur aux nantis comme aux pauvres. Alors que la crise acculait des dizaines de milliers de Montréalais à la misère, cela parerait aux critiques contre l’ordre établi.
    â€” Je le verrai donc demain à la prison de Bordeaux.
    J’aimerais aussi avoir accès au rapport d’autopsie.
    â€” Je vais faire mieux que cela. Venez avec moi demain au Laboratoire de recherches médico-légales.
    Là aussi, cette gentillesse soudaine trahissait l’intervention politique. Outremont demeurait un fief libéral, le bon mot du maire devait être impératif.
    â€” Entendu, je vous accompagnerai.
    â€” Alors, présentez-vous ici à huit heures trente.

    Le retour à la maison s’effectua dans une atmosphère de joie bruyante. Julietta avait cueilli Nadja à l’école, comme si l’assassinat de la veille faisait peser une menace nouvelle sur tous les habitants de la ville. Virginie venait juste de rentrer du travail. La fillette sauta au cou de son père dès le moment où celui-ci passa la porte.
    â€” Papa, il y a eu un meurtre. Le médecin de maman a tué sa femme.
    â€” Tu le sais bien, actuellement il est seulement soupçonné de l’avoir commis. Au terme du procès, selon les preuves, il sera déclaré coupable, ou innocent.
    â€” Par un jury?
    â€” Oui, par un jury.
    Renaud se livrait à de petits cours de droit à domicile, avec un certain succès.
    â€” Mais tout le monde à l’école dit qu’il l’a tuée.
    â€” Moi, je pense plutôt qu’il est innocent. Je vais le défendre.
    â€” Oh!
    De la conviction de la culpabilité de Davidowicz, Nadja passa à la certitude de son innocence. Virginie, venue dans le hall d’entrée pour l’accueillir, lui adressait un regard interrogateur. En lui faisant la bise, l’avocat lui glissa à l’oreille:
    â€” Je t’expliquerai. Je n’avais pas vraiment le choix.
    Quelques minutes plus tard, devant des pâtes, Renaud dressait la liste des beautés de la ville d’Ottawa pour sa fille, une liste plutôt courte!

    â€” La maîtresse de Davidowicz?
    â€” Depuis quelques années, semble-t-il.
    La jeune femme ressentait une certaine commisération pour cette vieille fille laissée pour compte par la vie. Elle se figurait que le bonheur ne pouvait se trouver ailleurs que dans les félicités conjugales.
    â€” Et elle t’a convaincu de défendre son amoureux?
    â€” Je me suis débattu. Dans ces circonstances, je ne pouvais me dérober. Puis ce matin, Ernest Lapointe a remis cela.
    â€” Le dispensateur des largesses gouvernementales.
    Renaud touchait un honnête revenu en tant qu’avocat grâce au gouvernement libéral, son principal client. Les années 1930-1935, pendant lesquelles le Parti conservateur s’était trouvé au pouvoir, avaient tenu d’une véritable disette.
    Il répondit d’un sourire avant de continuer:
    â€” Puisque je commençais à le croire innocent, je n’ai pas éprouvé le sentiment de me laisser entraîner dans une mauvaise histoire.
    â€” J’ai bien du mal à le voir dans la peau d’un assassin, même si je ne l’ai rencontré qu’une fois.
    â€” Moi aussi, il m’a donné l’impression d’être un honnête homme. Toutefois, les meurtriers qui portent leur crime sur le visage ne connaissent pas une longue carrière.
    Pendant de nombreuses minutes, Renaud évoqua à voix basse les lettres découvertes dans le classeur du député. Passé dix heures, ils se trouvaient déjà au lit. Outremont se révélait si silencieuse, on aurait dit la campagne.
    â€” Comme il y a des gens stupides! Écrire de pareilles choses.
    La remarque ne demandait pas de réponse. Quand il décrivit la croix gammée sur le ventre de la victime, Virginie afficha une moue dégoûtée.
    â€” Élise paraît avoir raison. Un meurtre haineux! On se croirait aux États-Unis.
    Très régulièrement, les journaux

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