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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de bataille!
    â€” Non, interrompit le jeune médecin d’une voix ferme.
    Réclamer de l’argent leur permettrait de dire que, comme tous les Juifs, je ne désirais que m’enrichir.
    â€” … Vous avez malheureusement raison. Que comptez-vous faire maintenant?
    â€” Il semble que je pourrai aller me spécialiser aux États-Unis, à New York. Je suppose que je resterai là-bas ensuite.
    Combien vous dois-je?
    Le jeune homme fit le geste de chercher son portefeuille dans sa poche.
    â€” Rien, l’arrêta Renaud. Je vous suis redevable, plutôt.
    J’ai appris beaucoup avec cette histoire, sur moi-même et sur mes compatriotes. Ce sont eux les perdants, même s’ils n’ont rien eu à dire dans le déroulement de cette histoire. Ils se feront soigner pendant plus de trente ans par André Blanchet et ses semblables.
    Après une dernière poignée de main, le jeune médecin disparut.

11
    Le lendemain, 1 er juin, un peu après l’heure du petit-déjeuner, le téléphone sonna au domicile de l’avenue de l’Épée. Renaud n’eut même pas le temps de répondre «Allô» qu’une voix prononça, à l’autre bout du fil:
    â€” Monsieur Daigle, le directeur me laisse téléphoner de son bureau. Je suis libre de sortir.
    Le premier moment de surprise passé, l’avocat reconnut Davidowicz.
    â€” Pourriez-vous venir me chercher? continua ce dernier après une pause. Je ne veux pas avoir affaire à un chauffeur de taxi curieux, qui s’empressera ensuite de contacter la presse.
    â€” Si cela vous plaît de payer mon tarif d’avocat pour la course, j’accepte.
    Environ une demi-heure plus tard, Arden Davidowicz l’attendait devant la grande porte du pénitencier de Bordeaux, sale et mal rasé. En une semaine, il avait perdu suffisamment de poids pour devoir tenir la ceinture de son pantalon afin de l’empêcher de tomber sur ses chevilles.
    â€” Quel abominable hôtel! Je ne vous le recommande pas du tout.
    â€” Tout cela aurait été facile à éviter. Si vous aviez tout dit le premier jour…
    â€” Je sais, je sais. Économisez votre salive, vous connaissez mes raisons.
    â€” De mauvaises raisons.
    Tout de même, l’avocat accepta de laisser le sujet de côté.
    Au moment de se stationner devant la porte du domicile de la rue Davaar, le médecin lui demanda d’entrer un instant.
    Ils n’avaient pas atteint le palier quand Élise Trudel ouvrit pour se précipiter dans les bras de son amant. Alors que Ruth Davidowicz gisait encore sur une civière à la morgue, cet exhibitionnisme déplut souverainement à Renaud. Cela frisait l’obscénité. Les funérailles avaient été remises jusqu’à la libération du suspect, tellement la famille se montrait optimiste sur l’issue de la situation.
    Une fois dans la maison, plutôt que de les amener dans le séjour à l’étage, le médecin les invita à entrer dans son cabinet.
    Derrière le lourd bureau, il chercha son carnet de chèques tout en disant:
    â€” Je demeure très reconnaissant de vos efforts. Après avoir effectué quelques vérifications, le capitaine Tessier a pu convaincre le Procureur de la province, enfin, l’employé de ce ministère chargé de ma triste affaire, qu’il n’y avait pas de quoi engager des poursuites contre moi. L’annonce de ma libération est venue à cinq heures ce matin.
    â€” Merci d’avoir attendu jusqu’à neuf heures avant de me téléphoner.
    â€” Ah! Mais entre la nouvelle et l’accès à un téléphone, cela a été long. Remerciez plutôt la lenteur administrative…
    Combien?
    L’avocat évoqua un chiffre, le client l’écrivit et fit passer le morceau de papier de l’autre côté du bureau. Renaud l’empocha sans regarder. Spontanément, il avait pris l’une des chaises destinées aux patients et Élise, la seconde. Un moment, ils donnèrent l’impression d’un couple venu en consultation, écoutant un médecin antipathique énoncer un pronostic peu encourageant. L’argent reçu, Renaud ne voulait pas procurer à son client le plaisir de s’effacer trop vite de sa vie. Aussi se tourna-t-il vers sa voisine pour demander:
    â€”

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