L'Eté de 1939 avant l'orage
Quâallez-vous devenir maintenant?
â Du jour où je me suis rendue voir la police avec vous, mon emploi aux côtés dâErnest Lapointe se terminait, même sâil a la gentillesse de me payer jusquâà la fin du mois.
â Pourtant, lâhistoire se clôt plutôt bien.
â Le scandaleâ¦
â De peu dâenvergure. Aucune accusation ne sera portée, finalement.
â Tout de même, mon patron demeure prudent. Toutefois, si je le désire, il me dénichera quelque chose.
Le contraire aurait étonné Renaud. Il se trouvait des milliers dâofficines gouvernementales où caser une femme compétente. Lui demander comment tourneraient les choses sur le plan personnel aurait témoigné de la dernière indélicatesse. De toute façon, le simple fait de la voir si tôt dans la maison du nouveau veuf le renseignait à ce propos.
â Et vous, cher Docteur, pensez-vous demeurer député?
â à court terme, certainement. Jâaurai besoin de ce salaire pour vivre. Je crois que mes patients mettront un moment avant de revenir me consulter. Cependant, je ne passerai pas le cap dâune seconde élection, avec lâodeur de scandale qui va coller à moi. Dâici là , jâespère que la confiance des gens en mes qualités professionnelles sera restaurée.
â Vos collègues du gouvernement ne tenteront pas de vous pousser vers la porte avant le scrutin?
â Ce serait donner lâimpression quâils me croient coupable. Dans ce cas, ils admettraient avoir côtoyé un assassin. Je pense que tout le monde fera semblant de présumer que jâai été victime dâun affreux hasard, tout en faisant en sorte que je ne puisse obtenir lâinvestiture dans ma circonscription lors du prochain rendez-vous électoralâ¦
Le médecin marqua une pause, échangea un regard avec sa maîtresse avant dâenchaîner:
â à regret, je vous chasse. Je dois récupérer mon garçon.
Jâaurai de longues explications à lui donner, pour le rassurer tout à fait.
Enfin, depuis le début de cette histoire, quelquâun se sou-ciait de la seconde victime de ce meurtre: lâenfant. Devenu aussi inutile pour le suspect innocenté quâun pansement pour un blessé guéri, lâavocat quitta les lieux, au grand soulagement du couple désireux de se retrouver.
â Comment se fait-il quâaucun journal nâait fait le lien entre le meurtre et les nazis? Ces policiers sont des incompétents.
Ãlise Trudel se tenait près de la fenêtre dâune chambre de lâétage, encore en peignoir. Les retrouvailles sâétaient révélées plutôt tièdes. Bien sûr, les événements dramatiques et plusieurs jours en prison ne devaient pas disposer un homme aux ébats torrides.
â Quâils enquêtent ou non dans cette direction, divulguer leurs intentions dans les médias ne les aiderait en rien.
La voix venait du lit. Le médecin venait de prendre sa seconde douche de la journée, il lui en faudrait encore une autre avant que les effluves du pénitencier de Bordeaux ne disparaissent tout à fait de son épiderme.
â Comment cela, quâils enquêtent ou non sur les nazis?
Avec les lettres que jâai transmises, ils ne peuvent pas négliger de le faire.
â Je ne suis pas certain que les autorités municipales, ou même le Bureau du Procureur général, aient envie de troubler la quiétude de ces bonnes gens en chemise noire.
La grande femme était venue sâasseoir sur le lit afin dâenfiler ses bas. De toute façon, rien nâindiquait quâune nouvelle initiative de son compagnon rendrait nécessaire une tenue légère. Autant revenir au grand ménage commencé quelques jours plus tôt: lentement, tout ce qui témoignait du séjour de Ruth Davidowicz dans la maison quittait les lieux.
â Une bande de racistes! Mais nous pourrions leur forcer la main.
â ⦠Que veux-tu dire?
Arden commençait lui aussi à chercher ses vêtements dans la pièce.
â Je connais tous les journalistes du Québec. Je pourrais contacter lâun dâeux et lui parler de toutes ces lettres. Imagine les grands titres demain! Tout le monde ne parlerait plus que de cela.
â Je te lâinterdis absolument! Dans les
Weitere Kostenlose Bücher