Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
là-dedans, si vous étiez un peu plus charitable? Certainement trois ou quatre.
    De pourpre, l’ecclésiastique passa au pâle.
    â€” Écoutez, enchaîna la jeune femme, je vois venir un taxi, cela doit être le mien. Je conclus un marché avec vous: le jour où vous abandonnerez votre château et les deux ou trois religieuses qui vous servent de domestiques au profit d’honnêtes travailleurs sans logis, je donnerai mon emploi à un chômeur. En attendant, allez vous confesser de votre propre égoïsme.
    Le vicaire continuait de la regarder de ses grands yeux coléreux. L’émotion l’empêchait de la traiter de salope «qui brûlerait en enfer pour l’éternité». Un moment, il éprouva la nostalgie du bon vieux temps des bûchers de sorcières, pour les femmes de cette espèce.
    â€” Je devine, monsieur le vicaire, que vous vouliez encore me dire combien le cinéma représentait un danger pour le salut des bonnes âmes outremontoises. Renoncez, j’ai déjà entendu tout cela. Vous devriez me laisser passer, sinon je risque de ne pas baiser aujourd’hui, alors que je suis présentement très fertile.
    Après une hésitation, il s’écarta pour céder le passage. Se trompait-il, ou le déhanchement de la jeune femme visait à l’aguicher? Vraiment, quelle salope.

12
    Bon Dieu, que c’était haut, un cheval! Renaud se tenait à deux mains au pommeau de la selle. Pourtant, à l’écurie, on l’avait assuré qu’il ne risquait rien sur le dos de cet animal, voué à porter les vieilles dames et les avocats sujets au vertige.
    â€” J’ai un beau cheval, n’est-ce pas?
    Devant lui, Nadja se tortillait sur sa monture, désireuse de voir tous les arbres, les arbustes, les pierres même qui bordaient le sentier. Puis quand la nature environnante lui laissait un moment de répit, elle se penchait sur l’encolure de la bête pour lui faire un câlin. Dans une heure, elle voudrait certainement ramener l’animal à la maison.
    â€” Très beau. Tu ne crois pas que tu devrais rester bien assise sur ta selle, et regarder où tu vas?
    â€” Bah! Le cheval connaît son chemin. Tu vois, c’est mieux que ton auto: toi, tu ne peux pas lâcher le volant sans te retrouver dans le décor.
    Pour le lui prouver, elle levait les mains vers le ciel.
    â€” Tout de même, tu devrais faire un peu attention.
    Cette phrase, elle l’entendait tous les jours! Heureusement, les mots glissaient dans son esprit comme l’eau coulait sur le dos d’un canard. Son «Oui, oui» distrait ne s’accompagnait d’aucun changement dans son comportement.
    â€” Tu crois que l’on pourra revenir? implora-t-elle après un moment.
    â€” Toutes les semaines, si tu veux.
    Les adieux déchirants entre la fillette et la monture se trouvaient retardés jusqu’en septembre. La scène n’en deviendrait que plus larmoyante. Elle émit une onomatopée joyeuse, fit une caresse un peu plus appuyée à son cheval.
    â€” Je pourrai apporter l’appareil photo?
    â€” … Oui, bien sûr.
    Nadja présentait des joues rouges. Juin commençait par de belles journées ensoleillées, mais fraîches. Le plein air ferait sans doute le plus grand bien à une couventine résolue à terminer ses études primaires première de sa classe. Cela valait bien des heures d’inconfort, aux yeux du père poule.

    Sur le quai de la gare de Sainte-Agathe-des-Monts, la grande rousse attira l’attention de quelques hommes. Ils furent déçus de voir la même en format réduit, pas encore sortie de l’enfance, mince au point d’être filiforme, se précipiter vers elle en criant:
    â€” Maman, nous sommes allés faire de l’équitation!
    Deux bras maternels se refermèrent sur elle, pour la soulever de terre et la couvrir de baisers. Personne, parmi les témoins de la scène, n’aurait pu deviner qu’elles s’étaient quittées un peu plus de vingt-quatre heures plus tôt, tant était grand le plaisir des retrouvailles.
    â€” Papa m’a dit que nous irons toutes les semaines.
    Renaud venait de les rejoindre. En serrant sa femme contre lui, il lui murmura à l’oreille:
    â€” Damné canasson. J’ai les couilles en compote.
    â€” Ne

Weitere Kostenlose Bücher