Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
trente-neuf ans!
    â€” Pas tout à fait. Jésus est mort à trente-trois ans. Tu dois soustraire.
    â€” Mille neuf cent six.
    Renaud n’allait pas lui expliquer que tant la date de la naissance du Christ que l’âge de celui-ci au moment de sa mort demeuraient des questions discutées par les historiens.
    Ces nuances viendraient plus tard.
    â€” Tu sais, c’est plus de quarante fois mon âge.
    La fillette ouvrit des yeux immenses. Déjà que son paternel lui paraissait très vieux, alors quarante fois plus! Cela devenait astronomique.
    â€” Cela signifie que les arrière, arrière, arrière, et tu répètes le mot quarante fois, grands-pères de ces hommes ont tué Jésus. Si ton arrière, arrière, arrière-grand-père avait commis un crime, crois-tu que l’on devrait te détester pour cela?
    Pendant un long moment, Nadja soupesa la question.
    â€” Non, je ne pense pas. Je ne suis pas responsable de ce qu’il a pu faire.
    â€” Alors, tu ne peux pas en vouloir à ces hommes. Eux n’ont tué personne.
    â€” … Peut-être.
    Elle affichait les cheveux et les taches de rousseur de sa mère, l’entêtement de son père. Jamais cette fille ne se rallierait aussi rapidement à un point de vue, fût-ce celui de l’un des auteurs de ses jours.
    â€” Il y a des gens qui te détestent, à cause d’eux.
    Une quantité plutôt phénoménale de journaux entrait dans la maison de l’avenue de l’Épée. Impossible de contrôler ce qui passait sous les yeux d’une enfant curieuse. Quelques hebdomadaires nationalistes avaient conféré à Renaud le titre de «traître à la Race» dans la foulée de l’histoire de Cohen.
    â€” Mais les Juifs ne sont pas responsables. Je suis venu en aide à l’un d’eux qui était traité injustement. Il s’agit de mon travail d’avocat. Cela a mis en colère des individus qui haïssent les Israélites.
    Un autre moment de réflexion précéda une question inquiète:
    â€” Je n’ai pas le droit de détester certaines gens?
    â€” Bien sûr que oui. Certains sont détestables. Toutefois, tu ne penses pas qu’il est ridicule d’abhorrer des personnes que tu ne connais pas, que tu n’as jamais vues ni entendues dire ou faire des choses mauvaises?
    â€” … Ils ont de drôles de façons de s’habiller.
    â€” Comme les religieuses, ou les prêtres, ils croient que leur religion les oblige à se vêtir comme cela. Mais tous les Juifs ne le font pas.
    La gamine se trouvait dans ses derniers retranchements.
    Elle plaida encore:
    â€” Il y en a avec un petit chapeau sur la tête.
    â€” Une kippa, un signe de leur appartenance religieuse.
    Comme toi, tu portes une croix au cou. D’autres ne portent absolument rien.
    â€” Comme toi?
    â€” Comme moi. Nous allons rejoindre Julietta?
    Elle acquiesça, toujours songeuse. Main dans la main, ils remontèrent la rue Bloomfield sur une faible distance, jusqu’à l’extrémité nord du parc. Un prêtre petit de taille, arborant la calotte, interpella Renaud en déclarant:
    â€” Cher collègue, je pense que nous sommes presque voisins.
    â€” Monsieur le chanoine Groulx! Bonsoir. En effet, j’ai entendu dire que vous veniez d’emménager dans cette rue.
    â€” Oui, dans cette maison que vous voyez là-bas.
    D’un geste, l’ecclésiastique désignait une majestueuse résidence de briques rouges sise à moins de deux cents pieds, dans la rue Bloomfield. L’avocat savait que des admirateurs de l’historien de la «race» canadienne-française s’étaient cotisés pour offrir au grand homme un logis à la hauteur de son rôle de guide national.
    â€” Très belle. Vous possédez tout l’espace voulu pour élever une nombreuse famille, remarqua Renaud avec un sourire en coin. J’oubliais presque les convenances: je vous présente ma fille, Nadja.
    La fillette tendit la main, en se disant «enchantée» de rencontrer monsieur le chanoine. Tout de même, les religieuses enseignaient les bonnes manières. Lionel Groulx serra la main de la gamine, lui adressa quelques paroles gentilles sans grande conviction, cherchant le moyen de répondre au coup d’épingle du père.
    â€” Monsieur Daigle, je

Weitere Kostenlose Bücher